L'excuse de minorité, qui fait qu'un mineur ayant commis un crime ou un délit est sanctionné moins sévèrement qu'un majeur, est revenue au cœur des préoccupations avec l'affaire des narchomicides à Marseille, dans lesquels ont été impliqués des adolescents de 14 et 15 ans.
Plusieurs personnalités politiques, dont le Premier ministre Michel Barnier, ont récemment appelé à réfléchir sur la possibilité d'écarter cette excuse dans certains cas, une option qui existe pourtant dans le code pénal et est déjà utilisée par les magistrats.
De quoi s'agit-il ?
L'atténuation de peine pour minorité est un principe qui remonte à une ordonnance de 1945, repris dans le code pénal, selon lequel un mineur doit être moins sévèrement puni qu'un majeur.
Elle prévoit de diviser par deux, pour les mineurs de plus de 13 ans, les peines encourues par rapport à celles prévues pour les majeurs.
Dans les cas où la peine encourue par les majeurs est la réclusion criminelle à perpétuité, elle est ramenée pour les mineurs de moins de 16 ans à vingt ans de détention.
Cela part de l'idée que "le discernement d'un mineur n'est pas le même que celui d'un majeur", explique Alice Grunenwald, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF).
Est-elle systématique ?
Elle est automatiquement appliquée pour les mineurs de moins de 16 ans. En revanche, il est possible de la lever, de manière exceptionnelle et motivée, pour les plus de 16 ans.
Cette décision, qui doit tenir compte des circonstances des faits, de la personnalité et de la situation du mineur, reste toutefois à l'appréciation souveraine des juges.
Pour les mineurs de plus de 16 ans pour lesquels l'excuse de minorité est écartée, la peine ne peut toutefois dépasser les 30 ans de prison, même si la réclusion criminelle à perpétuité était encourue.
Selon le ministère de la Justice, elle a été levée environ 70 fois entre 2018 et 2022, soit en moyenne près de 15 fois par an. Elle a été écartée dans les deux tiers des cas pour des délits, qui constituent la grande majorité des condamnations de mineurs, et dans un tiers des cas pour des crimes.
Mais, même dans des cas extrêmement graves, elle n'est pas toujours écartée. Dans l'affaire de l'assassinat en 2019 de Shaïna, une adolescente brûlée vive par son ex-petit ami de 17 ans, la levée de l'excuse de minorité avait été requise pour l'accusé pendant son procès, mais la cour ne l'avait finalement pas retenue. Elle l'avait condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Quoi qu'il en soit, "les faits extrêmement graves sont lourdement sanctionnés", observe Alice Grunenwald.
Pourquoi ce principe fait-il débat ?
Le débat sur ce principe juridique a été lancé au printemps dernier par l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, après la mort d'un jeune de 15 ans, Shemseddine, passé à tabac près de son collège.
Dans son discours de politique générale début octobre, son successeur Michel Barnier a annoncé vouloir poursuivre "la réflexion sur les atténuations de l'excuse de minorité".
Et les deux narchomicides - contraction de narcobanditisme et homicide - qui se sont produits dans les jours suivants à Marseille, qui ont impliqué des jeunes de moins de 16 ans, ont de nouveau braqué les projecteurs sur ce sujet.
Le ministre de la Justice Didier Migaud a dit mardi ne pas être hostile à l'idée d'écarter l'excuse de minorité pour des faits d'une "extrême violence", "au cas par cas".
Jeudi, le patron du PS Olivier Faure a aussi estimé qu'écarter cette excuse dans ces cas d'extrême violence était "une possibilité" qu'il fallait "envisager".
Est-ce possible de faire évoluer le dispositif ?
Si l'idée est de pouvoir écarter cette excuse de minorité y compris pour les moins de 16 ans, "ça s'opposerait à plusieurs engagements internationaux de la France", met en garde Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'Union Syndicale des Magistrats (USM).
"Il ne faudrait pas qu'on pense que c'est la solution pour résoudre la délinquance des mineurs", estime-t-il.
"Le fait que la peine encourue soit bien supérieure ne changera rien", abonde Alice Grunenwald. "La répression ne rend pas la société moins violente, ça n'a aucun effet de prévention".
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