La gratuité totale existe déjà dans une trentaine de villes en France. Comment pourrait-elle être mise en place chez nous ?
ENVIRONNEMENT — "Pour lutter contre le dérèglement climatique, la pollution et ses graves conséquences sur la santé publique, la réduction de la circulation automobile est indispensable et urgente."
C'est le constat que pose la liste des gauches niçoises "Viva!", qui propose en conséquence la gratuité des transports en commun à Nice — les socialistes y sont également favorables, mais uniquement pour les moins de 25 ans.
"On se demande bien pourquoi elle n'est pas mise en oeuvre tous les jours ! Car la pollution et ses conséquences, c'est tous les jours !" ont développé les candidats de la liste au cours d'une conférence de presse dédiée. "C'est tous les jours que nous voulons respirer!"

Comment on les finance ?
"Viva!" propose plusieurs pistes.
Dans un premier temps, il faudrait augmenter le versement transport des entreprises sur la Métropole NCA, pour le ramener au niveau de celui en vigueur en Île-de-France, soit de 2% à 2.95%.
La liste de Mireille Damiano propose également d'augmenter la taxe de séjour (locations touristiques, nuitées d'hôtels, etc) pour faire contribuer les touristes à cette nouvelle gratuité.
Une hausse particulière serait prévue pour les quatre et cinq étoiles de la capitale azuréenne, où "Viva!" juge la taxe actuellement "ridiculement basse."
Au rayon des taxes, elle en propose également une "sur les bureaux et les parkings des hypermarchés" s'inspirant là d'une proposition de financement effectuée pour le Grand Paris.
Comment ça se passe ailleurs en France ?
La gratuité totale existe déjà dans une trentaine de villes. Compiègne fait figure de pionnière, puisqu'elle a instauré ce système dès 1975.
La première agglomération de plus de 100.000 habitants à l'appliquer également est Aubagne en 2009, puis Niort en 2017.
Un nouveau cap est franchi en 2018 avec son arrivée à Dunkerque, qui compte plus de 200.000 habitants. Ils s'agit de la plus grande agglomération française à avoir instauré la gratuité.
À noter toutefois que ces villes n'ont pas un réseau de transports en commun comparable à celui de la capitale azuréenne. Le tramway, par exemple, avec ses coûts, impose d'autres défis à Nice qu'ailleurs, dans des villes plus petites ou moins équipées.
Comme le propose "Viva!", il faut absolument développer le réseau existant avant d'instaurer la gratuité pour pouvoir faire face au nécessaire afflux de nouveaux voyageurs. Ainsi, comme le relèvent nos confrères de France Bleu, "le premier effet (de ce système) est une forte hausse du nombre d'usagers, provoquée par un choc psychologique : +100% à Châteauroux, +23% en deux ans à Niort, +85% en moins d'un an à Dunkerque, par exemple."
Quel bilan dans les autres villes ?
Le Sénat a présenté le 26 septembre dernier un rapport sur le sujet. Le document de 128 pages se conclut ainsi : "La gratuité est intéressante mais n'est pas une fin en soi."
"Il n'est pas souhaitable d'appliquer la gratuité partout. Elle n'a qu'une capacité limitée à engager une transformation en profondeur de la société et de l'espace" peut-on encore y lire.
La mesure étant évidemment complémentaire d'un programme plus vaste si l'objectif est de réellement réduire la part de la voiture dans les déplacements urbains.
Au niveau de la fréquentation, le bilan est plutôt positif : A Niort (Deux-Sèvres), le nombre de voyageurs a bondi de 23%. A Dunkerque (Nord), où la gratuité a été installée en septembre 2018, elle a augmenté de 65% la semaine et de 125% le week-end sur la période janvier à mai 2019.
Petite ombre au tableau : difficile de savoir s'il s'agit de voyageurs ayant réellement abandonné leur voiture comme moyen de transport pendulaire, ou de personnes ayant laissé tomber la marche ou le vélo.
L'impact sur la circulation automobile est pour l'instant complexe à établir. Ainsi, seuls 1 à 2% des conducteurs de voitures se tourneraient vers les transports publics, contre 2% à 4% des piétons et 5% à 7% des cyclistes, lit-on dans le rapport des sénateurs.
Si la mesure était appliquée à Nice, notre ville serait alors l'une des premières en France à tester à une aussi grande échelle cette gratuité.