Clubs échangistes, boîtes de strip-tease, magasins spécialisés… Comment l'industrie du sexe a-t-elle évolué dans la vieille-ville ? Nous sommes allés à la rencontre des pros de ce secteur caliente.
C'est l'un des symboles de la descente Crotti. Aux portes du Vieux-Nice, en sortant du tramway ou en entrant dans le centre en voiture, le décor est immédiatement planté. Impossible, à moins de le faire exprès, de louper cette devanture où sont inscrits ces deux mots en rouge sur fond jaune : "Sex Shop".
Une boutique d'accessoires, sex-toys, gadgets, revues et lingeries fines, qui propose également le visionnage de films X, en cabine ou en salle. De quoi laisser penser aux touristes que le Vieux serait l'endroit "chaud" de la ville.
Le CLub 54, du libertinage au strip-tease
"Nous en sommes loin et nous ne l'avons jamais réellement été" sourit une figure du coin, qui a assisté des premières loges au déclin des clubs coquins. "Plusieurs salons de massages et saunas 'peu conventionnels' ont été fermés ces dernières années. Il n'y a d'ailleurs plus de club échangiste…"
Le dernier, véritable institution présente dans la rue des Ponchettes depuis quarante ans, a en effet modifié son offre il y a une décennie.
"Nous sommes devenus un bar de strip-tease à l'américaine, avec des shows privés, mais sans sexe" nous confie André, mythique gérant du Club 54 au côté de sa femme, Patricia.
"Pendant longtemps, il était possible de venir en couple et de faire 'la totale'. Mais les mentalités ont changé et le libertinage s'est peu à peu perdu. Aujourd'hui, il n'y a plus que deux adresses à Nice : une au Nord et une vers l'aéroport."
Parmi les raisons principales de ce déclin, l'apparition des applications de rencontre et la digitalisation du secteur ont eu d'énormes répercussions, comme en atteste Philippe Ferrandis, fondateur et gérant de la boutique RenDezVous Underwear, uniquement destinée aux hommes, depuis dix-neuf ans. Avec une clientèle de gays "à 80%".
"Entre les applications Tinder et Grindr (où la prostitution se porte très bien, même si c'est un tout autre sujet, NDLR) ou les sites d'escorts, les lieux de rencontres se sont peu à peu éteints".
"Les gens ne se montrent plus et n'osent plus aller dans un magasin dédié au sexe" regrette celui qui propose au sein de son arrière-boutique une pièce secrète, où est exposée une large gamme de sex-toys et de tenues coquines.
"Tout se passe sur Internet, avec des colis anonymes. Heureusement qu'il y a les touristes, qui, eux, ne prévoient pas forcément et qui, une fois sur place, cherchent de quoi passer un agréable moment."
Une clientèle étrangère qui aimerait plus
Certains ont d'ailleurs du mal à se soumettre aux normes françaises qui limitent nos établissements. "Les Italiens et les Espagnols nous demandent souvent plus, mais ici, nous sommes stricts. Il n'y a rien de sexuel" affirme Patricia.
"Chez eux, c'est OK, comme dans de nombreux pays limitrophes. On nous a d'ailleurs même confié qu'à Saint-Tropez (Var), il y aurait un établissement de ce genre."
Depuis la récente démolition du Palais Acropolis, André et Patricia déplorent la perte d'une partie de leur clientèle, qui avait ses habitudes au sein du Club 54. "Nous avions de nombreux hommes d'affaires qui se rendaient à Nice, français ou étrangers, qui ne connaissaient pas la ville et qui restaient peu de temps sur place".
"La journée, ils allaient aux congrès, puis retournaient à l'hôtel et venaient au club le soir pour rencontrer de jolies femmes et passer quelques heures autour d'une coupe de champagne."
Un déclin amorcé dès le début des années 1980, selon lui. "À l'époque, on ne faisait pas entrer les hommes non-accompagnés, seulement les couples. Mais après le Sida et l'apparition du préservatif, on a commencé à faire entrer des hommes seuls pour avoir une clientèle supplémentaire. Tous les clubs se sont mis à organiser des soirées en trio, souvent autour d'un couple et d'un homme."
Une pratique qui a déséquilibré la parité au sein des établissements. "Quand un couple s'amuse et que sept hommes les regardent, ça devient gênant" témoigne Patricia, qui veille chaque soir, sans exception, sur ses danseuses.
"Nous sommes ouverts tous les jours, et parfois, des clients doivent attendre une table devant l'entrée."
Le marché serait plus vivace - et plus jeune - du côté de la communauté LGBT+. Là encore, les choses s'organisent désormais bien davantage par les applications des smartphones. Et si les clubs et autres lieux de convivialité se maintiennent parfois -des saunas restent à flot - la fermeture l'an passé du Malabar et de ses backrooms, aux frontières du Vieux-Nice, a lui aussi marqué la fin d'une ère.
Réagissez à cette actu ! Vous pouvez commenter les articles publiés après le 25 août depuis le bas de page, ou en cliquant sur ce raccourci ›