À un an des élections municipales de 2026, la volonté du gouvernement de modifier le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille suscite de vives tensions. De nombreux élus dénoncent une démarche opportuniste dictée par des calculs électoraux, tandis que certains experts en droit y voient une avancée démocratique.
Longtemps évoquée sans aboutir, la réforme de la loi PLM, souhaitée par Emmanuel Macron et désormais défendue par François Bayrou, refait surface.
Un texte, déposé en octobre par quatre députés Renaissance, servira de base aux discussions sur l’évolution de ce mode de scrutin. La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a confirmé mercredi que les débats auront lieu « au mois de mars au plus tard ».
Depuis 1982, la loi PLM impose que les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille se déroulent par arrondissement ou par secteur, et non à l’échelle de la ville entière.
Avec la prime majoritaire de 50 % attribuée aux listes en tête dans chaque arrondissement, ce système peut aboutir à l’élection d’un maire ayant recueilli moins de suffrages que son adversaire. Un cas de figure qui, jusqu’à présent, ne s’est jamais produit à Paris.
La réforme propose de faire élire directement les conseillers municipaux de ces trois grandes villes, sur le modèle des autres communes, avec une prime majoritaire réduite à 25 % pour la liste arrivée en tête. Une mesure jugée plus équitable par ses promoteurs, qui défendent le principe « un citoyen, une voix ».
À Paris, où la majorité présidentielle espère s’imposer, le retour de cette réforme, que beaucoup pensaient définitivement enterrée, provoque un tollé.
« Nous dénonçons une méthode précipitée qui risque d’aboutir à des décisions prises dans l’urgence », ont critiqué mercredi les élus LR parisiens, redoutant « un Conseil de Paris centralisé, affaiblissant les mairies d’arrondissement ».
« La démocratie locale fonctionne parfaitement à Paris. Je constate d’ailleurs une très large opposition à cette réforme menée sans concertation et dénuée de fondement », a réagi la maire PS Anne Hidalgo, qui la veille fustigeait un « tripatouillage ».
« Si ce débat a du sens, la méthode et le calendrier de cette réforme posent question », a commenté sur X Emmanuel Grégoire, député PS et candidat à la mairie de Paris, appelant à consulter les habitants de la capitale.
À Lyon, l’opposition est également vive. « Aucun Lyonnais ne se préoccupe de ce sujet », déclarait le maire écologiste Grégory Doucet le 18 janvier à ActuLyon, estimant qu’il faudrait d’abord comprendre « pourquoi les gens votent de moins en moins ».
« Franchement, cette réforme ressemble plus à une manœuvre électorale qu’à une véritable réflexion sur la représentativité et les principes démocratiques », ajoutait-il.
À Marseille, les avis sont plus nuancés. « Il n’y a pas de raison de ne pas aligner ces villes sur le droit commun. Cela favoriserait l’équité, simplifierait le processus électoral et apporterait davantage de cohérence », a déclaré à l’AFP le maire DVG Benoît Payan.
À l’inverse, Renaud Muselier (Renaissance), président de la région PACA, rejette fermement cette réforme : « Elle n’est ni techniquement prête, ni une priorité nationale, ni politiquement consensuelle, et elle est totalement inadaptée au calendrier parlementaire !»
Certains universitaires interrogés par l’AFP comparent les effets de la loi PLM à ceux du mode de scrutin américain, où les « swing states », ces États-clés, jouent un rôle décisif.
« Une réforme permettrait d’atténuer cet effet. Si votre voix est la énième voix de gauche dans le 20e arrondissement ou la énième voix de droite dans le 7e, elle a peu d’impact », explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Panthéon-Assas.
« Il n’y a pas d’obstacle juridique, mais il est loin d’être certain qu’une majorité se dégage à l’Assemblée nationale », nuance-t-il.
« Modifier cette loi peut être justifié, mais il est incohérent d’instaurer une prime majoritaire de 25 % alors qu’elle est fixée à 50 % dans toutes les villes de plus de 1.000 habitants », observe Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à Paris VIII
(Avec AFP)



