Le député des Alpes-Maritimes affirme que ce qui "différencie globalement" Les Républicains du Rassemblement national, c’est la "capacité à gouverner". Tout en taclant la "bien-pensance", trop opposée à la formation de Marine Le Pen.
Commentaire - On est loin du barrage étanche entre la droite traditionnelle et le parti lepéniste, des désaccords irréconciliables ou des valeurs contradictoires. Alors que Les Républicains se déchirent sur la question d'une éventuelle alliance avec La République en Marche pour les régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Éric Ciotti tend plutôt la main, cette semaine, en direction du Rassemblement national.
Le président de notre conseil régional, le modéré Renaud Muselier, tweetait déjà le 28 avril à propos de ses divergences avec le député des Alpes-Maritimes. L'entretien accordé par ce dernier au magazine conservateur Valeurs actuelles ce vendredi devrait creuser davantage encore le fossé qui les sépare.
.@ECiotti a dit que je pourrais avoir « la défaite et le déshonneur » aux #Regionales2021.
— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) April 28, 2021
En 2017, je les ai évités en appelant à voter pour @EmmanuelMacron face à @MLP_officiel. Lui pas.
Nous n’avons clairement pas la même idée de la droite, ni de la France.
Alors que Renaud Muselier et Christian Estrosi ne verraient pas d'un mauvais oeil que la majorité présidentielle soutienne la liste LR pour les régionales, Éric Ciotti dresse chez nos confrères un réquisitoire musclé contre la Macronie.
De son côte, il serait impensable de travailler avec LREM tant "ce parti a abîmé notre pays". "Aujourd’hui, nous voyons les dégâts qui ont été commis (par la présidence d'Emmanuel Macron, NDLR), sans parler de la gestion chaotique de la crise sanitaire. Je ne trouve aucun point positif dans ce bilan".
Pêle-mêle, le président de la fédération LR des Alpes-Maritimes pointe "l’insécurité (qui) n’a été aussi élevée dans notre pays" alors que nous aurions "franchi tous les records en matière d’entrée d’étrangers. L’islamisme a continué à progresser et à conquérir des territoires qu’il gangrène méthodiquement". Rien de mieux à tirer "sur le plan économique" puisque "la fiscalité n’a pas été allégée, bien au contraire".
Contre "la bien-pensance"
L'opposition est donc claire avec la majorité au pouvoir. Et avec le RN de Marine Le Pen ?
"Que diriez-vous à ceux, parmi vos électeurs, qui seraient tentés de rejoindre Marine Le Pen en 2022, estimant vos propositions sur l’immigration et l’insécurité finalement pas si différentes ?" interroge Valeurs actuelles.
Sans démentir le fait que ses idées en la matière sont, pour certaines, les mêmes que celles du Rassemblement national, Éric Ciotti pointe "la bien-pensance" qui voudrait que, "lorsque le RN dit qu’il pleut, il faudrait dire qu’il fait soleil".
Aux électeurs tentés par l'extrême droite, des Français qu'il "respecte profondément", il répond qu'il "comprend leur colère" et qu'il faudrait y répondre, notamment, par "un référendum pour limiter considérablement l’immigration et sortir de certaines conventions internationales".
"Ce qui nous différencie globalement du Rassemblement national, c’est notre capacité à gouverner, poursuit-il. Si les Français veulent que ça bouge, ils doivent faire confiance à un parti de gouvernement, avec une équipe renouvelée, des idées claires et fortes".
"Je crois qu’on a tiré des leçons des erreurs commises par le passé. Lorsque nous étions au pouvoir (sous Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012, NDLR) je faisais partie de ceux qui militaient pour aller plus loin"
Éric Ciotti
Les autres arguments avancés par le député maralpins sont effectivement proches du parti à la flamme.
Retrouvez mon interview dans @Valeurs par @QuentinHoster
— Eric Ciotti (@ECiotti) April 29, 2021
« Il faut défendre notre identité.
Si nous ne la défendons pas nous allons disparaître ! » pic.twitter.com/HB4oinh4nX
Immigration et délinquance
"À la source de la montée de la violence et de la délinquance, il y a souvent l’immigration de masse"
Éric Ciotti dans Valeurs actuelles
"On voit une surreprésentation des étrangers dans les condamnations. À Paris, par exemple, ce sont essentiellement des mineurs étrangers venus des pays de l’Est qui sont arrêtés pour des vols à la tire. Il y a dans les prisons françaises près d’un quart d’étrangers — sans compter les Français d’origine étrangère —, alors qu’ils représentent 7 % de la population totale. Cette montée de la violence se nourrit ensuite d’une trop grande impunité pénale."
L'occasion de proposer une nouvelle fois "un encadrement de type militaire" contre "l'explosion de la violence (liée aux) mineurs. Il faut arrêter cette logique de la réponse uniquement éducative".
À contre-courant ?
Les fermes positions du député Ciotti détonnent dans une droite bien plus modérée aujourd'hui que ce qu'elle pouvait être il y a encore cinq ans, alors dans l'opposition à François Hollande, ou sous Nicolas Sarkozy.
"Il faut que la police puisse tirer. La racaille doit être éradiquée quoi qu’il en coûte!" lançait-il par exemple sur Twitter le 12 octobre dernier, à propos d'une bande de jeunes qui avait attaqué un commissariat dans le Val-de-Marne avec du mortier d'artifice.
"Même chez nous, on ne pouvait pas renchérir. Il y a des limites" confiait un élu RN azuréen à Nice-Presse il y a quelques jours.
Plus récemment, après l'attentat de Notre-Dame, le "monsieur sécurité" des Républicains avait préconisé de créer un camp de « Guantánamo à la française » pour y enfermer les terroristes.
Une idée vivement condamnée par le maire de Nice Christian Estrosi : « c'est un lieu de torture, où sont bafoués les Droits de l’homme. Alors utiliser les méthodes de Guantánamo que la plupart des démocraties dénoncent, je n’adhère pas. »
Avant d'enfoncer le clou : « La pire des choses serait que l’on se laisse entraîner dans le populisme. Il faut de la fermeté, mais il ne faut pas faire n’importe quoi. Pas d’emballement, pas de surenchère. »
Des positions diamétralement opposées, effectivement, sur un sujet de fond. Mais laquelle des deux lignes représente-t-elle celle des Républicains aujourd'hui ? Les tacles entre différents élus azuréens sur fond de régionales ces derniers jours montrent que la question se pose clairement, aujourd'hui plus que jamais.
Interview : Valeurs actuelles (article abonnés)