Un policier municipal niçois a été repéré en intervention ce week-end portant la tête de mort du "Punisher" sur son uniforme, symbole de la justice par la violence. Malaise, malaise
NICE — Mais que fait cette tête de mort sur l'épaule d'un policier municipal câlinant un petit chat sur les réseaux sociaux ? Ce week-end, Blue, l'adorable boule de poils d'une Niçoise, est tombé du deuxième étage d'un immeuble, avant de se retrouver coincée sous une voiture. Sa maîtresse, Isabelle B., appelle la police municipale à l'aide.
"Deux policiers sont rapidement arrivés" raconte-t-elle à Rivieractu. "Ils ont pris un cric pour élever la voiture et récupérer mon chat. Ils s'en sont très bien sortis, merci beaucoup à eux."
Malgré quelques griffures, l'un des deux agents pose avec Blue dans les bras à la fin de l'intervention. Les photos cartonnent rapidement sur Facebook et Twitter, récoltant de nombreux likes. Et c'est là que ça coince.
Comme cela est visible sur la photo en tête de cet article, un insigne qui n'a rien de réglementaire est bien visible sur l'épaule droite de l'un des deux policiers. On peut y voir une tête de mort noire sur un fond tricolore. Un détail d'apparence anodine, qui est pourtant lourd de sens.
"Si tu veux la paix, prépare la guerre"
Le symbole est l'emblème d'un personnage controversé de l'univers Marvel, le Punisher, aka Frank Castle, un ancien soldat du corps des Marines devenu tueur en série. Dans les bandes dessinées de la firme américaine comme dans la série qui lui est consacrée sur Netflix, son credo est la violence et la vengeance personnelle.
"Si vis pacem, para bellum" ("Si tu veux la paix, prépare la guerre" en français), devise -notamment- du Punisher, est également bien visible sur l'uniforme du policier niçois.
Auprès de Rivieractu, la direction de la police municipale explique que l'ajout de cet écusson sur son uniforme est une "initiative personnelle" de l'agent qui "n'a pas été validée" par sa hiérarchie. "Ancien des forces spéciales", il le portait en hommage à un proche et à son passé militaire. Dans la foulée de cet article, il a proposé lui-même de le retirer.

Cet anti-héros prône des "solutions radicales" et préfère exécuter les malfrats que les livrer à la justice. Son symbole sur l'uniforme d'un policier en service fait donc un peu tâche. D'autant qu'il y a des précédents.
Aux Etats-Unis, le personnage du Punisher est plus connu qu'en France : son logo en forme de crâne est très populaire au sein de l'armée, notamment dans des unités controversées de lutte contre le terrorisme en Irak. Au Brésil, l'ultra-violente unité anti-drogues (coupable de 2.600 meurtres selon plusieurs ONG) en a également fait son insigne.
En 2019, le service d'un policier belge qui s'était affiché avec le fameux dessin sur son gilet pare-balles avait subi une enquête interne, son comportement étant jugé "inadéquat avec la déontologie de la police". Avant cela, en 2013, un soldat français stationné au Mali avait déserté l'armée après avoir été repéré avec le symbole sur son foulard.
En 2016, un policier avait collé un autocollant représentant le crâne sur sa matraque pendant une manifestation contre la Loi Travail. "Dans le contexte des violences policières, l'initiative prend un sens particulier" avait dénoncé Le HuffPost.
"Ces policiers se placent comme des ennemis de la loi"
La récupération de ce symbole irrite jusqu'au créateur du Punisher, Gerry Conway (il l'a imaginé en 1974, avec les dessinateurs Ross Andru et John Romita, Sr.) :
"Ce personnage est fondamentalement une critique du système judiciaire, un symbole de sa faillite."
"Si des policiers en font leur totem, ils se placent comme des ennemis de la loi" expliquait-il chez SyFy (article en anglais) en janvier 2019.
"(Avoir ce dessin sur son uniforme) revient à cautionner une idéologie hors-la-loi ou à avoir une interprétation malsaine de la loi. Le Punisher est un criminel, porter son emblème est aussi offensant que de brandir le drapeau confédéré (symbole des États racistes du Sud américain au XXème siècle, NDLR)."
Un épisode récent (disponible en anglais ici) de la BD éponyme comporte une scène où le personnage lance à des policiers : "Vous êtes du côté de la loi, vous ne faites pas ce que je fais. Vous cherchez un modèle ? Son nom est Captain America, et il sera content de vous avoir avec lui. Si jamais je vois que vous suivez mon exemple, c'est contre vous que je viendrai la prochaine fois."
Le message est semble-t-il passé Outre-Atlantique. Mais pas jusqu'à Nice, visiblement.