Une diminution de 20 à 30 % des réservations non honorées, tant redoutées par les restaurateurs : c’est la promesse avancée par les plateformes comme TheFork, qui ont récemment déployé divers outils, notamment basés sur l’intelligence artificielle.
Le site de réservation TheFork, qui revendique un réseau de 55 000 restaurants partenaires dans 12 pays, a mis en place fin 2024 une mesure radicale : la suppression des comptes des clients ayant accumulé quatre absences consécutives sans annulation préalable.
Le résultat est sans appel. "Des centaines de profils ont été désactivés et le phénomène de +no-show+ (réservations non honorées, ndlr) a baissé de 10 % depuis la mise en place de cette mesure", affirme Damien Rodière, directeur général.
"Avant, on utilisait la carotte, maintenant, c’est le bâton ! C'est un phénomène qui touche tous les marchés, même si on observe qu’il y a moins de +no-show+ en Europe du Nord", explique à l'AFP ce dirigeant de la plateforme appartenant à TripAdvisor.
Bien que les réservations non honorées – surnommées "lapins" – aient toujours existé, le phénomène s’est fortement intensifié après la crise du Covid. En 2022, une centaine de restaurateurs avaient d’ailleurs signé une tribune dans des médias spécialisés pour alerter sur les conséquences de ces comportements.
"Produits gâchés, cuisine perturbée, service parasité, organisation ébranlée, chiffre d’affaires impacté… Un +no-show+, une réservation pour deux, quatre, huit ou vingt qui n’est pas honorée, et c’est tout un resto qui paie", dénonçait cette tribune.
"Je resignerais aujourd’hui, car rien n’a changé", confie Billy Pham, cofondateur du groupe Bao Family, à la tête de restaurants chinois tendance à Paris et Marseille.
"Nous voulons continuer à offrir l’option de réservation aux clients, mais malheureusement, certains ne jouent toujours pas le jeu", regrette-t-il.
"On estime que 70 % des restaurateurs sont confrontés aux +no-shows+ et que 10 % des réservations ne sont pas honorées en moyenne, ce qui peut représenter jusqu’à 15 % du chiffre d’affaires. Dans un secteur aux marges déjà faibles, c’est extrêmement problématique", résume Thomas Jeanjean, directeur de Zenchef, un logiciel de gestion adopté par 25 000 restaurants en France et en Europe du Nord.
Les raisons de ces absences sont variées : un simple oubli, un imprévu, mais aussi – et de plus en plus fréquemment – la multi-réservation.
-CB et Prédictions-
Pour les clients distraits, les plateformes ont mis en place des rappels automatiques par e-mail et SMS, accompagnés de solutions d’annulation simplifiées. D’après TheFork, ces dispositifs permettent de réduire de 30 % le taux de "lapins".
"L’autre solution, c’est la liste d’attente, qui permet de remplir les tables même en cas d’annulation", explique Thomas Jeanjean.
"Nous avons également mis en place un outil de prédiction des +no-shows+, qui avertit le restaurateur : attention, ce client a déjà manqué plusieurs réservations dans votre établissement ou bien, il y a un fort risque de +no-show+ car il a trois réservations en parallèle pour la même soirée", détaille-t-il.
Cet outil s’appuie sur l’intelligence artificielle, tout comme celui développé par TheFork : "Nous avons mis au point un score permettant d’évaluer le risque de +no-show+. Si le client est considéré à risque, nous activons un rappel automatique et combinons différentes solutions, comme la demande d’une empreinte de carte bancaire", précise Damien Rodière.
Pour les plateformes, la prise d’empreinte de carte bancaire – avec la possibilité de facturer les clients en cas de non-présentation – reste la méthode la plus efficace. Toutefois, en France, cette pratique suscite encore de fortes réticences.
"Nous avons tenté de la mettre en place, mais nous avons observé une baisse des réservations, car cela ne fait pas partie des habitudes, surtout dans des établissements comme les nôtres où le ticket moyen est relativement bas", constate Billy Pham.
Pascal Mousset, restaurateur parisien et dirigeant syndical du GHR, l’un des principaux organismes patronaux du secteur, confirme cette résistance des clients : "Les établissements haut de gamme peuvent se le permettre, car ils sont pleins toute l’année et obtenir une table chez eux est déjà difficile. Mais dans la majorité des cas, c’est un frein. Moi, je l’exige uniquement à partir de cinq couverts."
"Les plateformes sont efficaces, mais elles ne communiquent pas assez sur le coût réel de ces outils pour les restaurateurs", déplore-t-il, pointant une hausse significative des tarifs en 2025.
(Avec AFP)