C’était en juin 2020 : Emma B., 19 ans, lançait une manifestation pour lutter contre le racisme et les violences policières. Depuis, la jeune femme a créé le collectif Uni.e.s 06.
Nice-Presse y était > PHOTOS. Nice : Revivez en images la manifestation de ce 6 juin contre le racisme
À la fin d’un BTS management, début 2020, la jeune Niçoise prend une année sabbatique. Une décision qui lui sera « ultra bénéfique » : elle organise alors une manifestation dans le cadre du mouvement Black Lives Matter. Plus tard, elle tente l'aventure Miss France, anime une conférence TedxTalk puis part à Paris pour des études en sciences politiques et sociologie.
Entre-temps, sans s'y être préparée, elle est devenue la "nouvelle figure de l'antiracisme niçois".
NICE-PRESSE - Pourquoi avoir voulu lancer une manifestation contre le racisme à Nice ?
Emma B. : "C'était à la suite de la mort de George Floyd aux États-Unis (un afro-américain tué lors d'une interpellation dans le Minnesota, en mai 2020, NDLR). L’évidence pour moi, c’était que ces problèmes n’existaient pas que là-bas, mais aussi ici, en France.
Les violences policières sont tellement passées sous silence qu’on pourrait croire qu’il n’y en a pas. C’est pour ça que je me suis dit : il faut en parler. Si on n’en parle pas dans l’espace public, si les médias n’en parlent pas, c’est comme si ça n’existait pas."
Des raisons personnelles vous ont poussée à militer ?
"J’ai eu une enfance tranquille au niveau familial, mais à l’école, c’était plus compliqué, à cause du racisme.
"J’étais la seule petite métisse dans une école à dominante blanche, ici à Nice. J’ai voulu me décolorer la peau et me défriser les cheveux…"
Emma B., militante contre le racisme
Plus tard, ça a continué, mais de manière plus insidieuse. Ça m’a suivie pendant longtemps. Je pense que mon militantisme est venu de là : ça m’a rendue plus forte, finalement."
Qu’avez-vous ressenti en organisant un tel évènement ?
"Je n’avais jamais fait quelque chose comme ça. Rapidement, je vois que ça prend beaucoup d’ampleur sur les réseaux sociaux. Je mettais des sondages, et 200, 300, 600 personnes répondaient. Un truc de ouf ! (rires)
Le jour de la manif’, j’arrive sur la Promenade des Anglais : on était des milliers (2.500 d'après la préfecture, NDLR).
Hallucinant. J’avais 19 ans à ce moment.
"La première fois que j’ai vu la taille de cette foule, j’ai eu la nausée à cause du stress"
Après ça, ce n’était plus que de l’excitation et du plaisir, avec mon mégaphone. Du pur plaisir."

Vous êtes à l’origine de la création du collectif Uni.e.s 06 : que défend-il ?
"On s’est connues avec Marine Vengeon (son acolyte de militantisme, rencontrée au moment de la manifestation, NDLR), on a avancé ensemble et à la base on n’était pas du tout parties sur l’idée d’un collectif.
L'idée était de vulgariser la politique, les sujets de société, de proposer un contenu vraiment pédagogique. On a fait une page vraiment dédiée au militantisme."
Quelles sont les causes que vous défendez, comment vous organisez-vous ?
"On se présente comme des féministes intersectionnelles : l’intersectionnalité, c’est la convergence des luttes. C’est le fait de pouvoir dire que les oppressions peuvent se croiser : je peux être une femme et subir à la fois le sexisme à cause de mon genre, et le racisme à cause de ma couleur de peau, par exemple.
Avec Marine, on est co-responsables. On a aussi un graphiste, et c’est tout. On n’a pas d’endroit : on se retrouve dans Nice et on s’appelle, voilà tout.
On organise beaucoup de débats publics, de manifestations en collaboration avec d’autres collectifs, de conférences à thème…"
La presse locale a fait de vous "la nouvelle figure de l'antiracisme niçois". Qu'en pensez-vous ?
"J’estime que je ne suis qu’une voix parmi tant d’autres. Je ne suis pas plus légitime qu’une autre pour parler de violences policières. On m’a érigée en figure de proue du mouvement malgré moi : ce n’était pas ma volonté d’être un emblème.
Au niveau politique, je ne suis pas encartée, et je ne compte pas le faire."
Ici à Nice, vous sentez-vous représentée au niveau politique ?
"Non. Il y a des partis - même si je ne suis pas encartée ! - auxquels je m’identifie davantage, comme celui de Benoît Hamon (Génération.s, NDLR), mais je ne me sens pas entièrement représentée."
Finalement, que retire-t-on de ce mouvement, un an plus tard ? A-t-il été efficace ?
"On vise les jeunes et j’ai l’impression qu’ils se mobilisent plus en ce moment, donc oui. Nice, niveau militantisme, ça stagnait un peu.
Pour la manifestation de l’année dernière, on était tout autant choqués par le nombre de participants que par la proportion de jeunes présents. C'était notre objectif !"