Conseiller municipal dans l'opposition de gauche depuis 2008, la liste menée par Patrick Allemand a été défaite au premier tour (6,57%) des municipales 2020 à Nice. Dans l'attente du dénouement de l'élection, il a continué à exercer ses fonctions pendant la pandémie de Covid-19.
RIVIERACTU. Quelles leçons tirez-vous de cette crise en tant qu'élu ?
PATRICK ALLEMAND. Cette période nous impose une grande humilité. On n'a pas vu tout cela arriver, et on a parfois mis trop de temps à réagir. Le politique a redécouvert la culture du doute.
R. Pensez-vous qu'il faille engager un nouvel acte de décentralisation, comme l'a proposé Christian Estrosi ? Les élus de terrain ont été en première ligne ces dernières semaines… parfois à la place de l'État.
P.A.- J'analyse les choses autrement. Ce gouvernement a très vite vu qu'il ne pourrait pas gérer seul, de façon jacobine, donc il a délégué. Il n'a pas la connaissance des réalités locales, pas autant que les élus. On peut imaginer leur donner des prérogatives plus larges. Dans l'urgence, dans des périodes intenses comme celle-ci, ce sont eux qui peuvent appréhender le plus vite les enjeux du quotidien et apporter les réponses les plus adaptées et les plus humaines.
"Il faut s'attendre à toutes les discriminations avec le RN"
R. Quel rôle l'opposition a-t-elle eu pendant la crise sanitaire ?
P.A.- Il a fallu se réinventer, en étant positifs, constructifs. Nous avons une force : les signaux que l'on fait remonter du terrain. Les différents groupes politiques ne fréquentent pas toujours forcément les mêmes quartiers, les mêmes personnes.
Nous avons été des lanceurs d'alerte. Sur les plages, nous avons empêché que le privé ne grignote l'espace public. Dans les quartiers précaires où payer son loyer va être plus que jamais difficile, nous avons obtenu, notamment, le gel des procédures contentieuses. Nous avons aussi combattu pour que la Ville vienne en aide aux familles dans la difficulté pour nourrir leurs enfants. C'est là qu'on se rend compte que la tarification sociale dans les cantines n'est clairement pas un luxe.
"Un autre avenir pour Nice" a été force de proposition, parfois de critique de l'action menée. Je tiens d'ailleurs à souligner la qualité de l'écoute du maire Christian Estrosi. Il a également su reculer quand il le fallait. Ce n'est pas forcément une qualité à laquelle on s'attendait avec le personnage. Sur plusieurs points où nous avons fait remonter des difficultés, comme la situation des SDF ou la précarité des étudiants, il a apporté des réponses rapides, concrètes et efficaces.
R. En octobre dernier, vous alertiez sur le fait qu'une opposition municipale représentée par le Rassemblement national aurait des "conséquences politiques catastrophiques". Le second tour n'est pas joué, mais Philippe Vardon a réalisé un bon score au premier.
P.A.- Il ne faut rien attendre de lui. C'est un anti-système, son opposition ne va rien apporter à personne. On va avoir beaucoup de communication, des provocations. Il faut craindre toutes les discriminations possibles, notamment contre les musulmans.
Cela dit, on a en face une droite républicaine, que Christian Estrosi représente bien, pour faire barrage. Le maire est légitime pour incarner certaines valeurs face à l'extrême-droite, plus qu'en 2015 (il s'était présenté comme "la Résistance" contre le Front national aux dernières régionales, NDLR).
R. Comment analysez-vous votre défaite dès le premier tour, et la sortie de la gauche du conseil municipal ?
P.A.- Le contexte n'était pas favorable. Les écolos étaient portés par leur score aux européennes, par la prise de conscience du grand public des enjeux liés au réchauffement climatique. Il y a eu des catastrophes naturelles, des marches pour le climat très suivies… Du côté de la gauche radicale (les communistes, les Insoumis,…) il y a eu en décembre les protestations contre la réforme des retraites qui les ont beaucoup aidé. À côté de ça, le PS n'était déjà pas audible, il l'a encore moins été.
"Ce n'est pas un échec personnel"
R. Dès le soir du premier tour, certains dans votre camp se demandaient s'il n'y a pas eu un rejet personnel de votre candidature.
P.A.- Il n'y a pas eu de "rejet" de ma personne. Le vote populaire n'a pas été influencé par les critiques du petit milieu politique. Différents sondages le montrent, les Niçois me connaissaient bien et ont une bonne opinion de moi. Ce n'est pas un échec personnel. Pour autant, dans cette campagne, on m'aura tout fait. J'en retiendrai que parmi mes amis politiques, il y a des ennemis farouches.
R. Le journal L'Opinion soulignait cette semaine "le retour en grâce du PS à gauche". Pensez-vous que cette crise pourrait donner une nouvelle vigueur à vos combats ?
P.A.- Les socialistes ont été injustement frappés par le discrédit ces dernières années. Que l'on ait tort ou raison, rien ne peut se faire si nous ne sommes pas audibles. Le contexte, le retour dans le débat de nos combats (justice sociale, remise en cause du productivisme, écologie, etc) pourrait inverser cette mauvaise tendance.
R. Après votre départ du conseil municipal dans un mois, quelle sera votre place dans le débat public niçois ?
P.A.- Il n'y a pas eu de vrai découragement, mais j'ai pu me demander après le premier tour si j'avais encore envie de tout cela. Avec Nice au Coeur, qui est avant tout un mouvement citoyen, nous continuerons de faire remonter les signaux du terrain. Nous sommes souvent les premiers à alerter sur les sujets sociaux, comme par exemple en ce moment avec la menace qui plane sur les emplois à l'aéroport.
Mon rôle est à reconstruire.