L'Inspection générale de la police nationale met en cause la décision de la BAC d'engager la course-poursuite qui a conduit le jeune Niçois à la mort alors que les motifs suffisants n'étaient pas réunis.
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Le contexte. Cela fait maintenant plusieurs mois que les proches du défunt et une partie de la jeunesse niçoise se mobilise. C’est dans le tunnel Liautaud à Nice que l’accident qui a emporté Maïcol Goncalves-Furtado, 20 ans, s’est produit aux alentours de vingt-deux heures le dimanche 10 janvier dernier. Le jeune conducteur de la moto tentait d’éviter un contrôle de police, avec un passager, pendant le couvre-feu. Une course-poursuite s'est engagée à très grande vitesse, avant de prendre une tournure dramatique dans le tunnel.
Notre dossier : l'affaire Maïcol à Nice
Maïcol succombe rapidement à ses blessures. Le second passager, Salyakhuddin Ibakaev, âgé de 19 ans, est légèrement blessé. Dans les semaines qui ont suivi, une forte mobilisation (voir les différents articles ci-bas) s'est levée autour de l'affaire, au travers d'une marche blanche, d'une manifestation et d'une forte présence sur les réseaux sociaux.
La mère de Maïcol Goncalves-Furtado a déposé plainte contre X pour "homicide involontaire", et le passager de la moto a, lui, visé les policiers de la brigade anti-criminalité (BAC), auteurs de la course-poursuite, pour "blessures involontaires".
"Le comportement des policiers mis en cause"
Ce qui est nouveau. Le Journal du Dimanche (article pour les abonnés) révèle ce 23 mai le contenu du rapport de l'IGPN, l'Inspection générale de la Police nationale, rendu à la fin du mois de mars dernier. "Le comportement des policiers y est mis en cause" souligne le JDD.
Le document rappelle les faits : la course-poursuite, "lancée à grande vitesse, avec des pointes à plus de 150 km/h" aura duré "quatre minutes dix-neuf".
"Face au refus d'obtempérer (des deux jeunes, NDLR), la BAC entame une coursepoursuite (…) Dans le virage glissant d'un tunnel, Maïcol perd le contrôle et heurte le rebord d'un trottoir. Il décède de traumatismes crânien et thoracique."
Au coeur du travail de l'IGPN, cette question : "la course-poursuite était-elle légale?" D'après "une note de service de la direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes, produite en août 2020", il semblerait que non.
Ce rappel liste les motifs permettant aux policiers d'engager une course-poursuite : ils doivent être "d'une grande gravité", comme "la fuite ou l'évasion d'un individu armé", "d'auteurs de crimes de sang [ou de] crimes et délits aggravés ayant causé un préjudice corporel".
Autant de faits qui ne concernent pas le refus d'obtempérer des deux jeunes hommes à Nice. La note de la direction le rappelait d'ailleurs noir sur blanc, six mois avant la mort de Maïcol : "toute poursuite systématique est exclue, notamment en cas de refus d'obtempérer."
Toujours d'après le Journal du dimanche, les agents de la BAC de Nice se sont défendus devant l'Inspection générale en affirmant que le refus d'obtempérer "les avait confortés sur le fait qu'ils devaient avoir quelque chose de grave à se reprocher." De plus, cinq jours avant les faits, une nouvelle fusillade avait éclaté dans le quartier où la course-poursuite a démarré : les brigadiers avancent que les deux fuyards auraient pu correspondre au profil des suspects. Observation de l'IGPN : "les tireurs n'étaient pas sur le même type de deux-roues : des Tmax (sortes de gros scooters), alors que les deux jeunes hommes pris en chasse étaient sur une moto TDM".
Contrairement à ce qui a pu être entendu ou lu sur les réseaux sociaux, les images de vidéo-protection montrent que la voiture de police n'a jamais touché la moto, même si elle la suivait avec une "allure soutenue, parfois à courte distance."
Le rapport tente également de faire la lumière sur l'état des deux jeunes, l'un étant décédé, l'autre s'en étant sorti avec des blessures légères. D'après l'IGPN, il y a de fortes chances pour que Maïcol, qui "ne possédait pas de permis moto", n'avait "pas attaché son casque". Le jeune aurait également "consommé du cannabis".
L'avocat de la famille demande l'ouverture d'une information judiciaire.
Soutien syndical
Dans un communiqué de presse publié ce 23 mai "en réaction aux articles du JDD et de Nice-Presse" le bureau départemental Unité SGP Police 06 se dit "solidaire des collègues de la BAC de Nice" et "rappelle que si le conducteur du deux roues avait obtempéré, s’il s’était arrêté, s’il avait répondu aux injonctions des policiers, ce drame ne serait jamais arrivé."
Opposée à "la vindicte", l'organisation dénonce une "insoutenable inversion des valeurs", appelant à "ne pas se tromper de cible (sinon) les policiers maralpins ne sortiront plus des commissariats".
-- Sur "Nice-Presse", l'affaire Maïcol en 3 articles
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