"Mais qu'est-ce qui se passe ?". Samuel Thomas, président de la Fédération des maisons des potes, n'en revient pas. Le patron de ce réseau associatif bien implanté dans les quartiers populaires avait placé beaucoup d'espoir dans l'initiative du gouvernement contre les discriminations à l'embauche. Aujourd'hui, c'est un peu la gueule de bois.
"Une opération de testing a été financée par l'État et on ne nous donne pas les résultats ! La notoriété des entreprises est tellement grande qu'on ne peut pas se permettre de les dénoncer ?" s'interroge-t-il ainsi auprès de nos confrères de France Inter. Qu'est-ce qui fait que ce 'name and shame' (dénoncer des entreprises ayant des pratiques discriminantes au grand public pour les forcer à agir, NDLR) qui avait été promis, annoncé et martelé, n'est plus à l'ordre du jour ?"
"Dénoncer les entreprises délinquantes"
Il s'agit bien d'une promesse d'Emmanuel Macron, faite pendant la campagne présidentielle, puis réitérée lors de son discours de Tourcoing de novembre 2017 sur la politique de la ville. Le président de la République s'engageait alors à mener des "opérations de testing" pour "pénaliser les discriminations à l'embauche et rendre publics les noms des entreprises les plus délinquantes en la matière."
Ces études ont bien été réalisées, et les résultats font froid dans le dos.
Les postulants à des offres d'emploi ont 20% de chances en moins d'obtenir une réponse d'un recruteur s'ils sont d'origine supposée maghrébine par rapport à un candidat au patronyme "franco-français".
Le rapport est sur le bureau du gouvernement depuis… 8 mois. Mais silence radio. Interrogé par la radio publique, le ministère de la Ville (en charge du dossier) se tâte encore sur "l'efficacité du name and shame".
L'équipe de chercheurs mandatée pour conduire cette étude publie aujourd'hui ses résultats : 17.600 candidatures et demandes d'informations - fictives - ont été envoyées à 103 grandes sociétés dans six régions françaises. A chaque fois, deux profils identiques mais dans un cas avec un patronyme maghrébin, dans l'autre un patronyme d'origine française.
"Il y a des différences de traitement selon les origines présumées, et dans certaines entreprises elles ont un caractère massif" souligne l'étude. "On se rend compte qu'alors même que les grandes entreprises sont censées être mieux armées pour lutter contre les discriminations liées aux origines, elles discriminent".
Certaines "sont engagées dans des labels, signent des chartes" sans que cela n'y change quoi que ce soit.
Le gouvernement a en sa possession les noms des entreprises qui pratiquent cette "discrimination massive et systématique"… mais ne souhaite pas les divulguer dans l'immédiat, contrairement à la promesse initiale, qui a motivé le financement de l'opération.