Le maire sortant, fort de sondages très rassurants, refuse le débat avec les autres candidats pour "parler directement aux Niçois." Ses opposants, laissés sur le carreau, dénoncent "un déni de démocratie"
MUNICIPALES 2020 — "Sans arrogance, je n'ai même pas besoin de faire campagne", glissait cette semaine Christian Estrosi à L'Express, depuis son vaste bureau de l'hôtel de ville. Bureau qu'il n'est pas prêt de quitter selon les derniers sondages : au moins 49% d'intentions de vote dès le premier tour.
"Avec ces résultats, il ne fallait pas s'attendre à de grandes prises de risque dans la campagne" nous glisse-t-on du côté du cabinet. "Le maire a voulu une campagne de rassemblement, sans idéologie. Alors on a parlé espaces verts, environnement, culture, jeunesse… et ça marche bien!"
Avec un bilan approuvé par huit Niçois sur dix d'après un sondage, Christian Estrosi aurait eu bien tort de se remonter les manches avant le premier tour. Tout juste a-t-il proposé la démolition du TNN et du palais Acropolis pour prolonger la "coulée verte". Le seul vrai pari de la campagne.
Au delà du programme, le maire sortant n'a pas trouvé très utile de répondre aux attaques des autres candidats, tous ligués, avec des arguments différents, contre son bilan.
"Aveuglement du pouvoir"
"Il est le tenant du titre. C'est aux challengers de le faire vaciller" concède Patrick Allemand, son éternel opposant socialiste. "S'il entre dans une stratégie de réponses alors il peut se faire étriller."
Les mots sont plus durs du côté de David Nakache, président de l'association humaniste Tous citoyens ! et colistier la liste de gauche "Viva!" (LFI, Génération.s, PCF,…): "La stratégie de campagne de Christian Estrosi est à l'image de la place qu'il accorde à la démocratie locale en tant que maire, qu'il s'agisse de la société civile dans la ville comme de l'opposition au conseil municipal. L'exercice solitaire du pouvoir aveugle parfois les hommes à tel point qu'ils se sentent intimement hors-sol, inaccessibles, au-dessus du peuple" accuse-t-il.
"À nous de lui rappeler qu'il n'est, en tant que maire, que le représentant des citoyens et qu'il doit leur rendre des comptes. Il n'est, dans cette campagne, qu'un candidat parmi d'autres" poursuit-il.
De l'autre côté de l'échiquier politique, le constat est le même pour le RN Philippe Vardon : "Estrosi est incroyable. Dans les débats, il ne nous regarde pas, il nous toise, il nous méprise… Il est dans le mépris, l'arrogance."
"Estrosi ne débat jamais, au conseil municipal, déjà, il coupe les micros dès que ce qui est dit ne lui plait pas" enfonce le conseiller régional.
Opposition digérée
Une stratégie de silence qui se traduirait par un vide dans la presse. "Les médias se rangent derrière la stratégie du maire, quand ils ne relaient pas la communication de la Ville" développe Philippe Vardon. "En 2014, on avait eu cinq débats pour exposer nos arguments. Cette fois-ci, seulement deux, avec peu de possibilités de réellement dialoguer les uns avec les autres."
"Et les journalistes locaux ont couvert l'élection à minima, comme si tout était joué d'avance…" glisse-t-il encore.
Du côté de la mairie, on balaie les attaques et met en avant le taux d'approbation de l'action menée. Les sondages commandés pour près de 40.000 euros chaque année par le cabinet sondent l'avis des Niçois par intervalles réguliers… ainsi que la popularité des opposants du maire.
D'ailleurs, ses rivaux, même acharnés, finissent sur sa liste, à l'image de Patrick Mottard, figure de la gauche niçoise et bombardé monsieur-culture en Estrosie. Pourquoi donner du grain à moudre à l'opposition quand on peut en faire sa meilleure alliée ?