-- MAJ 23 mai : Mort du jeune Maïcol à Nice : l’IGPN met en cause les policiers
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Le collectif créé dans l'émotion de la mort de ce jeune Niçois va se structurer pour répondre "au manque de représentation politique des milieux populaires à Nice", afin de dénoncer, notamment, les "violences policières", annoncent à "Nice-Presse" deux personnalités à l'origine du mouvement
L'indignation et la colère dont témoignent une part des jeunes Niçois ne s'estompent pas avec les semaines. Elle va même prendre une nouvelle forme pour pouvoir durer dans le temps.
Notre dossier : l'affaire Maïcol à Nice
Comme nous le résumions dans ce récent article de synthèse, Maïcol Goncalves-Furtado, 20 ans, a perdu la vie le 10 janvier dernier dans un accident de la route au cours d'une course-poursuite avec la Brigade anti-criminalité (BAC) dans le Tunnel Liautaud (Nice centre). Une enquête de la police des polices, l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) a été ouverte pour faire toute la lumière sur le drame.
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Une marche blanche a réuni du monde dans la foulée aux Liserons, le quartier populaire de l'Est niçois dont est originaire le jeune disparu. Le 3 mars dernier, c'est une manifestation qui était organisée en coeur de ville, pour "réclamer justice". Depuis plusieurs semaines, un mouvement de contestation s'est levé également sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #JusticePourMaïcol, pointant parfois les policiers en intervention ce soir là. Une colère qui a pu donner lieu à des dérapages, un syndicat étudiant ayant désigné les agents de la BAC comme des "meurtriers" -- la sortie est condamnée par les proches du défunt.
L'émotion est donc toujours très vive à Nice, plus de deux mois après l'accident.
"Maïcol était comme un frère pour beaucoup de monde. Dans son quartier, tout le monde l'aimait beaucoup" raconte à "Nice-Presse" Absa, 21 ans. Proche du jeune homme, elle a créé un compte Instagram sur l'affaire, auquel plus de 2.000 personnes se sont déjà abonnées.
"Il faut que cela cesse" poursuit-elle. "On nous a dit que les caméras ne marchaient pas, puis qu'il y avait bien des images mais qu'on n'allait pas nous les montrer". D'autres éléments ont pu créer "le doute" chez les proches du jeune disparu, alimentant "la colère". "Le temps que les secours ont mis pour arriver sur place (quinze minutes, d'après les premiers éléments, ndlr) mais aussi celui qui a été pris pour prévenir la mère de la victime". Autant de points que les conclusions de l'enquête de l'IGPN devraient éclaircir.
"Un mouvement plus large"
"Nice n'est pas très solidaire alors que le racisme est bien présent" relève Absa. C'est aussi pour cela qu'elle a créé ce compte sur les réseaux sociaux. "On n'entendait pas trop parler de l'affaire dans les médias, et parfois il manque des éléments dans les articles. On a voulu mettre la lumière desssus" rembobine-t-elle.
Avant de préciser : "ce qui s'organise n'est pas là que pour Maïcol : c'est un mouvement plus large."
"Tout cela va s'organiser, se structurer et durer" avance la militante et journaliste niçoise Feïza Ben Mohamed. Celle qui est également correspondante en France de l'agence de presse du gouvernement turc Anadolu (AA) a réussi à étendre un peu la couverture médiatique. Elle a également donné un coup de main pour l'organisation de la manifestation du 3 mars.
"Crimes policiers et violence systémique"
"Tout cela s'organise sans trop de soutien, dans un certain silence" relève-t-elle. Pourquoi les élus niçois, en particulier à gauche ne se sont pas faits entendre ?
"Pour être cash, je pense qu'ils doivent trouver bien suspects ces Noirs et ces Arabes qui manifestent en plein centre-ville. Ça montre toute l'hypocrisie de ces personnalités politiques là" Feïza Ben Mohamed, à propos d'une partie de la gauche niçoise
"Le mouvement qui se développe, de toute façon, intervient alors que ce sont les principaux concernés, notamment par les crimes policiers et la violence systémique, qui veulent se faire entendre, sans porte-parole extérieur" poursuit Feïza Ben Mohamed.
Concernant l'affaire en elle-même, "il n'y a pas de haine, ni de la part de la famille, ni chez ceux qui soutiennent. Il y a une envie de réponses et de justice" souligne-t-elle. "Pour le message qui pourrait être amené à durer, c'est un sujet de société plus vaste, qui concerne à Nice les habitants des quartiers populaires (Les Moulins, l'Ariane, Bon Voyage, les Liserons, entre autres, ndlr)".
En juin 2020, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis et de l'affaire George Floyd, une marche pacifique avait réuni 2.500 personnes sur la Promenade des Anglais. À l'origine de l'évènement, le collectif Uni.e.s Nice s'est depuis fait une place dans le milieu associatif local.
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"Proche de l'affaire Zyed et Bouna"
Pour la militante, Maïcol se rapproche "davantage de Zyed et Bouna que d'Adama Traoré". Les deux premiers sont morts en 2005, c'est l'affaire dite de Clichy-sous-Bois. La controverse sur le décès de ces jeunes avait entraîné des émeutes d'une exceptionnelle gravité dans les banlieues françaises, qui avaient abouti au déclenchement de l'état d'urgence. Les policiers accusés ont été définitivement relaxés en 2015. "On avait, là-aussi, des jeunes qui sont morts en ayant fui, par peur, la police" développe Feïza Ben Mohamed. "C'est le cas de Maïcol, qui avait déjà eu une mauvaise expérience avec les forces de l'ordre quelques temps avant le drame".
Absa, qui continue de veiller sur le compte Instagram dédié, n'est une militante née. Elle découvre même comme tout cela fonctionne. "Je regarde comment les autres collectifs font, comment communiquent les comptes comme celui d'Assa Traoré" explique-t-elle, soucieuse de "faire attention aux infos diffusées et de bien choisir les termes pour en parler".
Outre l'affaire niçoise, "Justice pour Maïcol" relaie effectivement depuis plusieurs semaines différents faits-divers relevés dans des quartiers populaires, avec des jeunes issus des minorités et les forces de l'ordre.
"Mais nous n'allons pas que dénoncer les violences policières, nous allons parler d'autres thèmes et agir pour la solidarité" nous explique Absa. La semaine prochaine, une collecte de nourriture pour les précaires va par exemple être organisée.