Une information judiciaire contre X a été ouverte ce vendredi 25 juin pour homicide et blessures involontaires, six mois après la mort du jeune Maïcol au cours d’une course poursuite avec la BAC de Nice. On fait un point complet.
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1. Course-poursuite
C’est dans le tunnel Liautaud à Nice que l’accident qui a emporté Maïcol Goncalves-Furtado, 20 ans, se produit aux alentours de vingt-deux heures le dimanche 10 janvier dernier. Le jeune conducteur de la moto tentait d’éviter un contrôle de police, avec un passager, pendant le couvre-feu. Une course-poursuite de quatre minutes s’engage à très grande vitesse, avant de prendre une tournure dramatique dans le tunnel.
Maïcol succombe rapidement à ses blessures. Le second passager, Salyakhuddin Ibakaev, âgé de 19 ans, est légèrement blessé. Certains proches de la victime pointent le comportement des policiers.
2. La mobilisation des proches
Dans les semaines qui suivent, une forte mobilisation se lève autour de l’affaire : une marche blanche est organisée, suivie d’une manifestation dans le centre-ville de Nice, et d’une forte présence sur les réseaux sociaux.
La mère de Maïcol Goncalves-Furtado dépose plainte contre X pour « homicide involontaire », et le passager de la moto, lui, vise les policiers de la brigade anti-criminalité (BAC), auteurs de la course-poursuite, pour « blessures involontaires ».
Dans Nice-Presse, le collectif créé dans l’émotion de la mort de ce jeune Niçois annonce le 14 mars vouloir se structurer pour répondre « au manque de représentation politique des milieux populaires à Nice », afin de dénoncer, notamment, les « violences policières ».
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Pour la journaliste et militante Feïza Ben Mohamed, Maïcol se rapproche plus « de Zyed et Bouna que d’Adama Traoré ». Les deux premiers sont morts en 2005, c’est l’affaire dite de Clichy-sous-Bois. La controverse sur le décès de ces jeunes avait entraîné des émeutes d’une exceptionnelle gravité dans les banlieues françaises, qui avaient abouti au déclenchement de l’état d’urgence. Les policiers accusés ont été définitivement relaxés en 2015. « On avait, là-aussi, des jeunes qui sont morts en ayant fui, par peur, la police » développe-t-elle. « C’est le cas de Maïcol, qui avait déjà eu une mauvaise expérience avec les forces de l’ordre quelques temps avant le drame ».
« Le mouvement qui se développe, de toute façon, intervient alors que ce sont les principaux concernés, notamment par les crimes policiers et la violence systémique, qui veulent se faire entendre, sans porte-parole extérieur » poursuivait Feïza Ben Mohamed dans nos colonnes.
Fin mars, nos confrères de « L’Écho des Banlieues » réalisent un long reportage sur la mort de Maïcol. D’un parti pris assumé, le document relaie la thèse de la « bavure policière » mais aussi la souffrance du quartier populaire des Liserons. Nous avions reçu ces journalistes pour un entretien.
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3. L’IGPN met en cause les policiers
Un rapport de l’Inspection générale de Police nationale, que nous décryptions dans cet article, met en cause les agents de la Brigade anti-criminalité des Alpes-Maritimes. Le document souligne plusieurs points : une course-poursuite, par essence très dangereuse, n’aurait pas dû être engagée, les motifs de gravité n’étant pas réunis.
Les agents de la BAC se défendent en affirmant que le refus d’obtempérer « les avait confortés sur le fait qu’ils devaient avoir quelque chose de grave à se reprocher. » De plus, cinq jours avant les faits, une nouvelle fusillade avait éclaté dans le quartier où la course-poursuite a démarré : les brigadiers avancent que les deux fuyards auraient pu correspondre au profil des suspects. Observation de l’IGPN : « les tireurs n’étaient pas sur le même type de deux-roues : des Tmax (sortes de gros scooters), alors que les deux jeunes hommes pris en chasse étaient sur une moto TDM ».
Contrairement à ce qui a pu être entendu ou lu sur les réseaux sociaux, les images de vidéo-protection montrent que la voiture de police n’a jamais touché la moto, même si elle la suivait avec une « allure soutenue, parfois à courte distance. »
Le rapport tente également de faire la lumière sur l’état des deux jeunes, l’un étant décédé, l’autre s’en étant sorti avec des blessures légères. D’après l’IGPN, il y a de fortes chances pour que Maïcol, qui « ne possédait pas de permis moto », n’avait « pas attaché son casque ». Le jeune aurait également « consommé du cannabis ».
4. Les policiers soutenus
Dans un communiqué de presse publié le 23 mai « en réaction aux articles du JDD et de Nice-Presse » le bureau départemental Unité SGP Police 06 se dit « solidaire des collègues de la BAC de Nice » et « rappelle que si le conducteur du deux roues avait obtempéré, s’il s’était arrêté, s’il avait répondu aux injonctions des policiers, ce drame ne serait jamais arrivé. »
Opposée à « la vindicte », l’organisation dénonce une « insoutenable inversion des valeurs », appelant à « ne pas se tromper de cible (sinon) les policiers maralpins ne sortiront plus des commissariats ».
Le 27 mai, la Direction départementale de la sécurité publique reconnaît le « drame » de la mort du jeune Maïcol, mais assure qu’il s’agit « d’un accident », prenant la défense des agents de la BAC 06 cités dans l’affaire.
Les proches du défunt réclament une enquête.
5. Une information judiciaire ouverte
Une information judiciaire contre X pour homicide et blessures involontaires a été ouverte ce vendredi 25 juin.
“Après avoir reçu les observations des parties au dossier suite à l’enquête initiale menée par l’Inspection générale de la police nationale, j’ai estimé devoir ouvrir une information judiciaire pour que les investigations se poursuivent dans ce cadre juridique sous l’autorité d’un magistrat instructeur”, a indiqué à l’AFP le procureur de Nice Xavier Bonhomme.
Une “première victoire” pour l’avocat de la famille de Maïcol, maître Nabil Boudi, cité par France Bleu Azur. Selon lui, l’enquête IGPN a mis en lumière “un comportement fautif des policiers dont la voiture n’a cependant pas été au contact du deux-roues de la victime”. L’avocat l’assure, “rien ne justifiait l’engagement d’une course-poursuite dangereuse et disproportionnée pour un fait relevant de la simple contravention”.
Réaction du syndicat Unité SGP-Police ce samedi 26 juin sur les réseaux sociaux : “incompréhension des policiers maralpins. Néanmoins, on ne doute pas un instant d’une issue favorable. Des policiers qui exercent leur métier avec déontologie et professionnalisme ne peuvent être inquiétés. Soutien sans faille.”