C'est un petit tabou qui a été brisé. La décision du maire écologiste de Bordeaux d'armer une partie de sa police municipale - au nom du "pragmatisme" - illustre le dilemme de la gauche sur les questions sécuritaires : échapper aux accusations de laxisme, tout en restant fidèle à ses politiques de prévention.
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"J'ai l'impression que le monde s'est aggravé, qu'il y a plus d'armes qui circulent", a plaidé cette semaine Pierre Hurmic, qui avait un temps été accusé par les syndicats de police de "dogmatisme" sur le sujet.
Le mois dernier, après un meurtre à Marseille impliquant un tueur à gages de 14 ans, c'est le patron du PS Olivier Faure qui avait déclaré qu'il fallait envisager d'écarter l'excuse de minorité pour des faits d'extrême violence, une proposition traditionnellement portée par la droite.
"On a sans doute moins de pudeur qu'avant à parler de ces sujets" sécuritaires, reconnaît le sénateur socialiste Alexandre Ouizille.
"Mais nous, on s'intéresse aussi aux causes et aux raisons de la violence. Pour la droite, c'est déjà l'excuser", ajoute-t-il, alors que la cheffe des députés écologiste Cyrielle Chatelain dénonce une "démonstration de muscles" du camp conservateur et du gouvernement, inefficace à cause d'un "manque d'effectifs".
"La droite a gagné une victoire sémantique en faisant croire, depuis Nicolas Sarkozy, qu'elle était génétiquement efficace sur la sécurité, et que la gauche ne l'était pas", dénonce pour sa part le député du Nord Roger Vicot, secrétaire national à la sécurité du PS, seul parti de gauche à avoir dirigé le pays.
"Quand vous êtes un militant de gauche, globalement les premiers sujets qui vous donnent la graine de l'engagement ce sont les injustices sociales, la transition écologique, les questions d'égalité et la lutte contre les discriminations", explique pour sa part le coordinateur de LFI Manuel Bompard, précisant que pour espérer diriger le pays, les cadres insoumis sont amenés à "diversifier [leurs] palettes".
"Approche naïve"
Alors que la lutte contre le narcotrafic a récemment été érigée en "cause nationale" par le gouvernement après plusieurs fusillades et règlements de comptes à travers le pays, la gauche multiplie les initiatives pour montrer qu'elle n'est pas en reste sur la lutte contre le trafic de drogue, qui a fait par exemple 49 morts, dont sept mineurs, dans la seule ville de Marseille l'année dernière.
"Il faut faire en sorte que nous puissions à la fois prévenir, sanctionner et guérir", résume Olivier Faure, tandis qu'un sénateur socialiste, Jérôme Durain, va présenter une proposition de loi avec un LR, Etienne Blanc, émanant des travaux d'une commission d'enquête sénatoriale transpartisane sur le sujet.
Et sur la question de la légalisation du cannabis, traditionnel marqueur de la différence entre la gauche et la droite, Olivier Faure a mis en garde ceux qui, par "une approche un peu naïve", penseraient que "la seule légalisation serait en mesure de vaincre des réseaux puissants".
"C'est peut-être une partie de la solution mais il y a d'autres éléments qu'il faut mettre sur la table", a-t-il insisté.
Police de proximité
Les Insoumis ont de leur côté présenté une série de propositions, en dénonçant "l'escalade répressive" prônée selon eux par le gouvernement.
"Nous souhaitons notamment la légalisation du cannabis et le contrôle public sur la consommation. Il faut également faire des efforts pour assécher le trafic d'armes", explique le député Hadrien Clouet.
"Nos solutions parlent aux premiers touchés, les gens qui vivent dans les quartiers populaires, car ils choisissent plutôt nos solutions aux élections", assure le cadre du mouvement de gauche radicale.
Dans leur programme pour les législatives, les forces du Nouveau Front populaire se sont accordées sur une série de mesures, comme le rétablissement de la police de proximité, créée par le gouvernement de Lionel Jospin puis supprimée par Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l'Intérieur.
"A gauche, on n'est pas forcément tous sur la même longueur d'onde, on n'est pas d'accord sur tout, mais sur l'essentiel", résume le député Roger Vicot.
Et au sein du NFP, le communiste Fabien Roussel est le plus prolixe sur les questions de sécurité.
"Ma gauche ne sera pas laxiste", avait-il lancé lors de la campagne présidentielle de 2022, en plaidant le "droit à la tranquillité" et en dénonçant les "quartiers où la République s'est retirée". Des sorties qui avaient fait grincer des dents chez LFI.