ÉDITORIAL — Les images sont tellement sidérantes que le ministère de l’Intérieur a immédiatement demandé à ce que toute la lumière soit faite sur les agissements de la police hier soir à Paris.
Il y a quelques heures, un nouveau campement de plusieurs centaines de migrants, installé place de la République, à Paris, a été (très) rapidement démantelé par les forces de l’ordre. Les réfugiés — des Afghans pour la majorité — en question sont arrivés là après avoir expulsés d’un autre campement de fortune, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), également évacué par la police, sans solution de repli.
Sous “l’oeil” des caméras des reporters présents, les tentes des réfugiés ont été saisies par la police. Ceux qui étaient à l’intérieur étant jetés par terre. Des gaz lacrymogènes ont été lancés contre eux, des grenades de désencerclement tirées.
Des policiers sortent directement des réfugiés en train de se reposer dans les tentes. #Republique pic.twitter.com/9lAELHi1fL
— Remy Buisine (@RemyBuisine) November 23, 2020
La préfecture a recommandé aux migrants de se diriger vers les centres d’accueil de jour tout en condamnant leurs “campements inacceptables”. Après la fin de cette opération, vers 21h30, des militants associatifs, des élus, notamment de la Ville de Paris, ainsi que des avocats étaient encore sur place, avec de nombreux journalistes.
Le célèbre reporter de Brut Rémy Buisine, a été “pris à la gorge la première fois, violemment projeté là seconde fois” puis violenté et maintenu au sol par des policiers.
Rémy Buisine frappé
https://twitter.com/Nicomay/status/1330991518765735937
Un policier met un coup de pied à un manifestant
PARIS - Face à face très tendu. Tensions toujours en cours à #Republique. pic.twitter.com/URRuRWO5ml
— Clément Lanot (@ClementLanot) November 23, 2020
“L’Etat donne de lui-même un spectacle lamentable” en apportant “une réponse policière à une situation sociale”, a commenté auprès de l’AFP Ian Brossat, adjoint de la mairie de Paris. “La seule réponse des autorités, c’est la force. Et la force, en période de crise sanitaire, ce n’est pas acceptable”, ajoute Corinne Torre, responsable de Médecins sans frontières.
Face à ces faits dramatiques, le ministère de l’Intérieur a donc rapidement demandé un “rapport circonstancié” promettant de “prendre des décisions rapides”. Ce sont les images des journalistes présents qui ont permis de saisir l’ampleur de la situation, ce que reconnaît implicitement Gérald Darmanin par son tweet.
Ça a l’air vachement utile à la démocratie, le concept de pouvoir filmer pendant une opération de maintien de l’ordre. À creuser https://t.co/PGTTEnuu0a
— Bismatoj (@bismatoj) November 24, 2020
Des milliers de Français sont d’ailleurs descendus dans la rue dans plusieurs villes françaises depuis plusieurs jours pour protester contre l’article 24 du projet de loi sur la “sécurité globale” porté par Beauveau. Le texte, s’il est vendu comme une protection pour les policiers pourrait en réalité porter gravement atteinte à la liberté de la presse, accusent les syndicats de la profession. Les images d’hier soir auraient-elles pu être saisies par les journalistes présents si cette loi était en vigueur ? Le doute demeure.
Mardi 17 novembre, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU a fait part de ses “sérieuses préoccupations” au sujet de ce texte controversé. Reporters sans frontières a également condamné l’initiative, alors que la Commission européenne a émis un rappel à l’ordre à l’encontre le France concernant la liberté de la presse, indiquant suivre la situation “de près”.