Entre improvisation et inquiétudes, on a fait un premier bilan des 55 jours de la fermeture des établissements pendant le confinement et de l'école à distance avec deux enseignantes.
CRISE SANITAIRE — L'école doit reprendre ce lundi 11 mai dans de nombreuses communes. Depuis le 13 mars, où le gouvernement a décidé de fermer les écoles pour enrayer l'épidémie de Covid-19, les enseignants ont dû s'adapter et faire cours à distance.
"Nous n’avons pas eu d’accompagnement. Il a fallu se débrouiller par nos propres moyens". Avec déjà 27 ans de carrière dans l'enseignement, Cathy* (prénom modifié) n'est pas quelqu'un qui a pour habitude de baisser les bras. Pour cette enseignante de la région bordelaise avec qui Rivieractu a pu faire un petit retour sur expérience alors que le confinement s'achève, les deux derniers mois n'ont pas été de tout repos, et c'est le moins que l'on puisse dire.
"La plateforme du Centre national d'enseignement à distance (CNED) a été mise en place tout de suite… mais au bout d’une semaine, la connexion ne fonctionnait plus" explique cette maîtresse d'une classe de CM2.
"Notre messagerie professionnelle a planté également… On s'est débrouillés avec nos moyens : Skype, Whatsapp, nos mails persos, notre portable…"
Galères sur galères
L'urgence, dans cette période aussi bousculée pour les enfants, est évidemment de rester en contact avec les familles. Sauf que toutes ne sont pas équipées. Et là, nouvelle embuche : "Il était normalement prévu que l’on puisse demander à ce que les mairies nous prêtent du matériel informatique. Mais cela m’a été refusé" regrette Cathy.
Les enseignants, dans leur majorité, donnent les devoirs à faire par e-mail ou par téléphone. Cathy pousse le sens du devoir jusqu’à faire la tournée du village, une fois par semaine, pour déposer sur les boîtes aux lettres le travail aux enfants qui n’ont pas d’ordinateur.
Comment se sont organisées les journées de classe ? "Seule une douzaine d’élèves sont en visio chaque jour. Le matin, nous faisions trois-quarts d'heure de maths ou de français en cours collectif, les après-midi de la géo, de l’histoire et de la lecture."
"Enfin, nous faisions un peu moins d'une heure en individuel ou par groupe de deux ou trois élèves afin d’approfondir certaines notions" poursuit Cathy.
Charge de travail supplémentaire pour les profs
En France, environ 800.000 élèves, souvent victimes de la fracture numériques, ont été "perdus" par l'Éducation nationale pendant le confinement. D'après l'enseignante, ce ne fut pas le cas dans sa classe, où un suivi efficace a pu être maintenu.
"Pendant le confinement, j'ai dû travailler 30% davantage" détaille la maîtresse des CM2. "Il fallait deux jours entiers pour préparer le travail de la semaine, coucher par écrit ce que nous faisions en visio, et garder du temps pour accompagner les élèves en grande difficulté."
Autant dire que la porte-parole du gouvernement qui jugeait que les "profs ne travaillent pas pendant le confinement" était bien loin du compte…
Même constat du côté de Nathalie*, 45 ans enseignante en Unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) depuis une dizaine d’années vers Libourne (Gironde): "La charge de travail a été conséquente. Il fallait maintenir le contact avec les structures (SESSAD, etc), les éducateurs, adapter les activités à chaque enfant…"
"Il fallait aussi préserver le lien avec les parents, parfois en perte de repères, en grand besoin de conseils" poursuit-elle. "Certains se mettaient une pression énorme. D’autres avaient besoin qu’on les aide à un certain recadrage car la relation parents/enfants est totalement différente de celle entre un enseignant et son élève."
Avant de conclure : "On peut regretter que les apprentissages aient été tronqués. Nous avons dû faire des répétitions de procédures (exercices sous formes de questions-réponses , dates à apprendre …) mais il n’y avait plus de raisonnement, de réelle construction du savoir."
— Depuis Bordeaux