À Nice, un banquet solidaire et gourmand a rassemblé 150 personnes autour des saveurs du monde. À travers des plats venus du Sri Lanka, de Libye ou d’Ukraine, des réfugiés et des chefs ont célébré la diversité culinaire pour mieux faire société. Une édition engagée du Refugee Food Festival, portée par des témoignages poignants et des initiatives concrètes en faveur de l’intégration.
Des plats aux histoires fortes servis dans une ambiance conviviale
Ce dimanche midi, les fourneaux du « 109 », un tiers-lieu culturel de Nice, ont mijoté bien plus que des recettes du monde. Pour la 10e édition du Refugee Food Festival, 150 Niçois ont pris part à un banquet « festif et solidaire », mêlant découvertes culinaires et engagement social. Le repas, facturé 39 euros par convive, avait une saveur particulière : celle du partage, mais aussi de la reconnaissance.
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Julien Godard, employé de banque de 45 ans, n’a pas tari d’éloges sur ses « exceptionnels haricots de pays au lait de coco », une spécialité du Sri Lanka. « On voulait joindre l’utile à l’agréable, soutenir la cause des migrants en partageant un bon repas », explique-t-il. Il salue une « diversité culinaire » qui, selon lui, illustre une France enrichie par le brassage des cultures. « Finalement, c’est peut-être la morale de l’histoire », conclut-il, venu en famille soutenir l’initiative.
Un menu co-signé par un chef local et trois femmes réfugiées
Derrière les fourneaux, un quatuor inédit : Simon Auscher, jeune chef niçois très suivi sur Instagram (500.000 abonnés), a coordonné les créations de trois femmes réfugiées originaires de Libye, d’Ukraine et du Sri Lanka. « J’ai joué le rôle de chef d’orchestre en essayant de faire se succéder les différentes spécialités, en commençant par du frais, en montant en intensité, puis en redescendant pour préparer la dégustation du dessert », raconte-t-il, ravi par cette expérience humaine et culinaire.
Nika Lozovska, réfugiée ukrainienne ayant fui Odessa au début de la guerre « par peur des bombardements et des drones », a conçu une salade colorée aux anchois, clin d’œil commun à sa ville d’origine et à Nice. Laïla, Libyenne, a proposé un tajine local accompagné de M’batten, des rouleaux de pommes de terre farcis à la viande, servis avec une sauce tomate épicée. Soucieuse de protéger sa famille restée au pays, elle a préféré rester anonyme.
De son côté, Prasadika Disanayaka, originaire du Sri Lanka, a mis en avant un ingrédient phare de sa culture : la noix de coco. Elle l’a utilisée dans le dessert, un bibikkan – gâteau traditionnel – accompagné d’un granité citron-huile d’olive, surprenant et rafraîchissant.
La cuisine comme vecteur d’intégration sociale et de dignité
« Pour la dixième édition du festival, c’était important de le lancer dans un territoire transfrontalier, à Nice, depuis toujours une terre de migrations », souligne Émilie Vitale, référente locale de l’événement. La veille, un repas symbolique avait été organisé à Bordighera, en Italie, pour marquer l’axe méditerranéen du projet.
« Quoi de mieux que la cuisine pour montrer qu’on peut faire société ensemble ? », s’interroge Inès Cohen, coordinatrice nationale du Refugee Food Festival. Pour elle, l’objectif est aussi de « ne pas prêcher que des convaincus ». Des événements sont ainsi prévus dans des lieux aussi variés qu’un restaurant étoilé parisien ou un centre d’hébergement pour personnes précaires à Marseille.
Au-delà de la sensibilisation, le festival s’engage concrètement : à Paris, l’association forme pendant deux ans des réfugiés au métier de cuisinier. Harouna Sow, chef mauritanien réfugié et responsable des cuisines du festival, insiste : « Il s’agit de leur redonner la dignité que beaucoup ont perdue lors de leur exil. Pour cela, on croit beaucoup à la valeur travail ». En cinq ans, près de 100 migrants ont été formés, certains ayant déjà ouvert leur propre établissement.
Le Refugee Food Festival se tiendra dans onze villes de France, du 8 au 29 juin. Chaque année, l’événement réunit quelque 18.000 participants, convaincus qu’un bon repas peut aussi nourrir la solidarité.