Le réalisateur Dominik Moll revient à Cannes avec Dossier 137, un thriller tendu sur des « violences policières » pendant les gilets jaunes et les dilemmes de ceux qui enquêtent sur leurs propres collègues.
Présenté jeudi en compétition officielle à Cannes, Dossier 137 plonge dans les coulisses de l’IGPN (la police des polices) à travers l’enquête menée par une commissaire, incarnée par Léa Drucker, sur une affaire de « violence policière » survenue lors des manifestations des gilets jaunes.
Avec ce film, Dominik Moll poursuit l’exploration des mécanismes de la justice entamée avec La Nuit du 12, récompensé de sept César. Ici, il aborde une crise majeure de la société française : les blessures physiques et morales nées de l’encadrement du mouvement social de 2018-2019.
Une enquête au cœur de la violence
Dossier 137 commence par la plainte d’un jeune homme grièvement blessé à la tête par un tir de LBD alors qu’il manifestait avec sa famille. La commissaire de l’IGPN hérite du dossier et doit naviguer entre pression hiérarchique, suspicion des collègues et méfiance des victimes.
« Il y a toujours une double violence dans ces affaires : la blessure physique, puis le silence ou le déni de l’État », explique Dominik Moll, qui a mené une enquête approfondie, allant jusqu’à passer plusieurs jours en immersion à l’IGPN.
À l’écran, le personnage de Léa Drucker est pris entre deux camps : les policiers mis en cause la considèrent comme une traîtresse, tandis que les proches du plaignant la suspectent de vouloir enterrer l’affaire.
« Le maintien de l’ordre est une mission impossible », affirme Dominik Moll. « On envoie les policiers dans des situations de guerre sans formation, puis on demande à d’autres policiers d’enquêter sur eux. C’est une mission impossible aussi. »
Mémoire effacée trop vite?
« Les gilets jaunes ont ébranlé le pouvoir et secoué la France. Mais le Covid est arrivé ensuite, et c’est comme si tout avait été effacé” » constate le cinéaste, désireux de raviver cette mémoire collective par la fiction.
Le film évoque aussi la frustration des victimes face à une justice perçue comme inopérante. Sur les 23 personnes éborgnées pendant les manifestations, un seul procès a eu lieu, concluant à une relaxe.
Selon l’AFP, environ 2.500 manifestants et 1.800 membres des forces de l’ordre ont été blessés au cours du mouvement entre 2018 et 2019.
« Le fait que les politiques refusent de reconnaître les erreurs aggrave les blessures », affirme Dominik Moll. « Cette négation agit comme une seconde violence. » Dossier 137 sortira dans les salles françaises en novembre 2025.