Des candidats de gauche élus dès le premier tour et, à quelques kilomètres, des territoires où le Rassemblement national fait un raz-de-marée : le grand écart entre le vote des métropoles et celui des campagnes ne cesse de se creuser.
À Toulouse et dans ses environs, quatre députés sortants LFI et un cinquième écologiste ont conservé leur siège dimanche, et le PS est en ballottage favorable dans deux circonscriptions macronistes, LFI dans une troisième.
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Mais dans les territoires les plus ruraux de Haute-Garonne, les trois sièges restant sont convoités par des candidats RN, ou LR soutenu par le RN, arrivés en tête.
Loin d'être une exception, ce schéma se répète à Bordeaux, Lyon ou Strasbourg, et les campagnes qui les entourent. Dans les vallées et l'arrière-pays des Alpes-Maritimes, les scores de l'alliance LR-RN sont parfois impressionnants, aude-là des 60% au premier tour. Presque 70% des suffrages à L’Escarène, autant à Blausasc.
Pour le politologue Romain Pasquier, le vote RN est "plutôt un vote des campagnes, des petites villes, des territoires où les questions de pouvoir d'achat liées à l'inflation, au prix de l'essence, de l'électricité, du gaz sont prégnantes, où l'on ressent le recul des services de santé, des hôpitaux publics, des écoles rurales".
"Les communes les plus périurbaines sont gagnées beaucoup plus vite que les coeurs de ville, parce que vous y avez des problèmes de mobilité, de coût parce que vous utilisez plus votre voiture. C'est plus difficile d'avoir un rendez-vous avec un spécialiste. La distance par rapport aux très grandes villes est un bon indicateur de la progression du vote RN", dit ce directeur de recherche au CNRS.
- "Bataille culturelle" perdue -
"Les électeurs (…) disent 'Nous sommes délaissés'", ajoute le politologue strasbourgeois Philippe Breton, qui parle d'un "clivage sociologique extrêmement fort".
"On peut avoir un niveau de vie important en zone rurale mais si on n'arrive pas à accéder aux services de soins, s'il faut la voiture pour toutes les démarches, vous éprouvez quand même un sentiment d'exclusion par rapport à tous ces services abondants en ville", explique-t-il à l'AFP.
Pour Sébastien Vincini, secrétaire national du PS et président du département de Haute-Garonne, "la gauche a perdu la bataille culturelle. Elle ne peut pas se contenter de répondre aux gens qui vont bien".
L'échec des communistes dans le Nord, notamment de Fabien Roussel, "est aussi significatif des transformations des ancrages sociaux de la gauche", de sa difficulté "à se déployer au-delà de ces grandes villes", estime également Tristan Haute, maître de conférences à l'université de Lille.
M. Vincini tacle par ailleurs la "manière de faire la politique" de "la Macronie". "Dire il suffit 'de traverser la rue' (pour trouver du boulot, NDLR), ça a marqué les gens, c'est extrêmement violent".
Pour lui, il n'y a eu "aucune considération" face à la mobilisation des retraites, ni après les "gilets jaunes".
Pierre Hurmic, maire écologiste de Bordeaux, confirme que le mouvement des "gilets jaunes" a été alimenté par l'idée d'une "ville égoïste", attirant "les services publics, les habitants, les activités économiques".
- "Arrogance" des grandes villes -
"Ce n'étaient pas des Bordelais qui manifestaient. C'étaient les habitants des territoires voisins qui venaient se plaindre de l'arrogance économique des grandes villes", a-t-il analysé lundi.
Hors de Bordeaux, où le Nouveau Front populaire domine cinq des six circonscriptions, le RN s'est hissé en tête dans le bassin d'Arcachon ou le Médoc. Dans le Blayais, autre territoire viticole, la patronne régionale et vice-présidente du RN Edwige Diaz a même été réélue dès le premier tour (53,33%).
Et si les grandes villes élisent en écrasante majorité des députés de gauche, comme à Paris où la moitié des 18 circonscriptions ont élu au premier tour un candidat NFP, le vote RN des citadins progresse aussi.
À Marseille, où la gauche peut réaliser le Grand Chelem dans les sept circonscriptions, cinq d'entre elles ont placé un candidat RN en première place.
En outre, dans les villes de plus de 200.000 habitants, le parti de Jordan Bardella est passé de 13% à 28% depuis les législatives de 2022, selon une enquête Ipsos Talan.
Elle souligne que "le socle électoral (du RN) s'est considérablement élargi", notamment chez les femmes (de 17% à 32%), les moins de 35 ans (de 18% à 32%) ou dans la tranche supérieure de revenus (de 15% à 32%).
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