Au lendemain des réquisitions demandant l'inéligibilité de Marine Le Pen, le Rassemblement national continuait d'attaquer frontalement la justice, des critiques reprises par l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et par le maire de Nice, Christian Estrosi.
Sommaire
"Soutenez Marine ! Défendez la démocratie": le RN n'a pas hésité à lancer jeudi sur le réseau social X une pétition dénonçant "une ingérence manifeste dans l'organisation de la vie parlementaire au mépris de la séparation des pouvoirs", "une tentative d'éliminer la voix de la véritable opposition" et de "contourner le processus démocratique".
Sans préciser que d'après la loi, le délit de détournement de fonds publics est automatiquement assorti pour un élu d’une peine d'inéligibilité.
Au procès des assistants des eurodéputés RN, le parquet a réclamé mercredi cinq ans de prison dont trois avec sursis, 300.000 euros d’amende et cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire - c’est-à-dire avec application immédiate même en cas d’appel - ce qui pourrait éjecter Marine Le Pen de la course à la présidentielle de 2027.
Renouant avec des accents trumpistes, le député Jean-Philippe Tanguy (RN) a dénoncé "des réquisitions quasi-fanatiques", le vice-président du parti Sébastien Chenu accusant le parquet d' être "au service d'une mission politique".
"C’est une intrusion inacceptable dans le travail politique", a abondé la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal qui a lancé son propre mouvement Identité-Libertés
"Le cours de la démocratie française ne doit pas être à nouveau confisqué aux électeurs", a lancé Éric Ciotti, évoquant François Fillon handicapé dans sa course à la présidentielle en 2017 par les soupçons d'emploi fictif de son épouse.
Qui soutient Marine Le Pen en dehors du RN ?
Hors extrême droite, la plupart des responsables de la droite et du centre sont restés discrets dans leurs réactions et n'allaient guère dans le sens du RN, à l'exception notable de l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin pour qui "combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs".
"Si le tribunal juge qu’elle doit être condamnée, elle ne peut l'être électoralement, sans l’expression du Peuple", a-t-il estimé sur X mercredi, en appelant à ne pas "creuser" plus "la différence entre les élites et l'immense majorité de nos concitoyens".
Cette prise de position passe mal dans le camp gouvernemental.
Le ministre de la Justice Didier Migaud, tout en refusant de commenter une affaire individuelle, a rappelé que "les magistrats sont indépendants" et "jugent à partir de la loi votée par le législateur".
Christian Estrosi, maire Horizons de Nice, a également réagi. "Il est temps que le Parlement se saisisse sérieusement de l'automaticité des peines d’inéligibilité. C'est un principe dangereux, qui ampute le débat démocratique" a-t-il estimé sur X jeudi.
"Je suis un adversaire résolu de Marine Le Pen, mais elle doit être défaite dans les urnes, pas dans les prétoires. Si elle doit être condamnée, qu’elle le soit, mais qu’on n’empêche pas le débat démocratique".
Il est temps que le Parlement se saisisse sérieusement de l'automaticité des peines d’inéligibilité. C'est un principe dangereux, qui ampute le débat démocratique. Je suis un adversaire résolu de @MLP_officiel, mais elle doit être défaite dans les urnes, pas dans les prétoires.…
— Christian Estrosi (@cestrosi) November 14, 2024
"Machine à complotisme" ?
Gérald Darmanin "n'aurait pas dû dire ça", a estimé plus directement le président (LR) des Hauts-de-France Xavier Bertrand qui est pourtant un de ses proches.
"Ou alors il va au bout de sa pensée et il dépose une proposition de loi pour supprimer l'inéligibilité", a-t-il avancé. "Mais en attendant, la loi existe, elle s'applique à tous et personne n'est au-dessus des lois".
Même argumentaire chez la ministre chargée des Relations avec le Parlement, Nathalie Delattre, "profondément choquée" par les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur, jugés par l'eurodéputé macroniste Pascal Canfin "inadmissibles et contraires aux règles de base de notre état de droit"
A gauche, cette "entorse au principe de séparation des pouvoirs", a été critiquée par le patron du PS Olivier Faure comme un "gros clin d’œil gênant de celui qui feint de plaindre celle dont il rêve de récupérer l'électorat".
"Marine Le Pen aura fort de dire que c’est un moyen de l’éloigner parce que ce n’est pas une élue comme les autres", a renchéri le chef de file des députés Horizons Laurent Marcangeli, craignant que cela "n'abonde la machine à complotisme".
Un argumentaire balayé par Xavier Bertrand : "Qu'on arrête avec le déni de démocratie, de faire comme si le RN ne serait pas capable de présenter un candidat : ils ont un candidat de rechange, il s'appelle Bardella, il n'attend que cela".