Naufrage meurtrier d'un yacht en Méditerranée : les témoignages des victimes en Sicile

Il manque deux heures à l'aube lundi dans les eaux siciliennes quand un défer­lement de vent et de pluie emporte par le fond le super voilier du magnat britan­nique Mike Lynch, qui sombre en quelques minutes.

Quelques heures avant la tornade, c'est encore la fête sur le "Bayesian", un yacht de 56 mètres de long battant pavillon britan­nique à bord duquel se trouvent douze passagers et 10 membres d'équipage.

Ancré au large de Porticello, une ville côtière voisine de Palerme, le bateau illuminé brille de tous ses feux avec son mât en aluminium, le plus haut du monde pour un voilier de ce type. Depuis le bord de mer, on entend la musique qui en provient.

Mike Lynch, un richissime homme d'affaire surnommé le "Bill Gates britan­nique", fête avec ses amis, colla­bo­ra­teurs et avocats sa relaxe en juin dans un procès pour fraude aux Etats-​Unis qui aurait pu lui coûter de longues années de prison.

Soudain, une tornade s'abat sur la zone. "L'enfer s'est déchaîné, on ne comprenait rien, le vent est arrivé, puis l'eau, c'était certai­nement une tornade", a raconté à l'AFPTV Giovanni Lococco, un pêcheur local.

Des caméras de sécurité d'un établis­sement balnéaire montrent des tables, des chaises et même un conteneur voler dans les airs.

"On ne l'a pas vu venir", a sobrement témoigné le capitaine rescapé du bateau, James Catfield, cité dans la presse.

"C'était pas une tempête normale. Qu'est-ce qu'il a dit le commandant, qu'il n'a pas vu venir l'ouragan ? C'est comme ça, personne ne l'a vu venir", a abondé Salvatore Izzillo, un pêcheur de Porticello, cité par La Stampa.

Les experts évoquent une trombe marine, colonne d'air et d'eau en rotation qui s'observent exclu­si­vement sur la mer. En quelques secondes, le voilier chavire, prend l'eau et coule.

Six personnes sont portées disparues, dont Mike Lynch et sa fille Hannah, un haut dirigeant de la banque Morgan Stanley et sa femme, ainsi que l'avocat qui l'a défendu aux Etats-​Unis avec son épouse.

fusée de détresse 

Charlotte Golunski, 35 ans, une associée dans l'une des entre­prises de Mike Lynch et invitée à la fête, a été secourue avec cinq autres passagers.

"Ca n'a duré que quelques minutes, le navire a commencé d'abord à tanguer puis il s'est dressé verti­ca­lement", s'est souvenue Mme Golunski, 35 ans, qui a réussi in extremis à attraper sa fille Sofia d'un an et à la sauver.

"Tout nous est tombé dessus, je me suis retrouvé projetée dans la mer. J'ai perdu ma fille pendant deux secondes mais je l'ai reprise au milieu des vagues déchaînées. Je l'ai serrée très fort contre moi. Tout le monde hurlait et pendant ce temps le navire dispa­raissait dans les vagues noires", a-​t-​elle ajouté.

Le premier à prêter secours est l'équipage d'un navire qui a jeté l'ancre non loin du "Bayesian".

"Le vent était fort, très fort. J'ai vu le mât principal du voilier se briser et tomber à l'eau. Tout s'est déroulé très rapidement", a détaillé son commandant, l'Allemand Karsten Börner.

"Nous avions prévu de nous rendre au port d'Arenella, à Palerme, mais nous avons été touchés par la tempête. Nous avons tenté de maintenir notre position avec les moteurs allumés puis nous nous sommes rendus compte que le navire à côté du nôtre avait disparu", a poursuivi M. Börner.

"Nous avons vu une fusée de détresse rouge venir de la zone du navire et moi et mon premier officier sommes montés sur une chaloupe et nous sommes allés les secourir, nous avons récupéré les naufragés, y compris une petite fille, puis les unités des gardes-​côtes sont arrivées elles aussi", a relaté M. Börner.

Un pêcheur s'est également précipité avec des amis pour porter secours, mais en vain.

"Nous étions là, mais nous n'avons trouvé personne dans la mer, nous n'avons trouvé que des coussins et les restes du bateau, nous avons immédia­tement appelé le port", a déclaré Fabio Cefalù à l'AFP. Mardi, des plongeurs spécia­lisés conti­nuaient d'explorer l'épave située à une cinquan­taine de mètres de profondeur et à environ 700 mètres de la côte.