Impressionnées par "le courage" de Gisèle Pelicot, droguée par son mari puis violée par des dizaines d'hommes jugés à Avignon, 10.000 personnes ont manifesté samedi partout en France leur soutien aux victimes de violences sexuelles, pour que "la honte change de camp".
"On est toutes Gisèle", "violeur on te voit, victime on te croit", "tu n'es pas seule", ont scandé les 3.500 manifestantes et manifestants réunis à Paris, place de la République. A Marseille, plusieurs centaines de personnes - plus de 1.000 selon les organisateurs -, se sont rassemblées devant le palais de justice accrochant une banderole "La honte doit changer de camp".
A l'autre bout de la France, à Rennes, de 200 à 400 personnes arboraient des pancartes avec le même slogan ou "Protège ta fille, éduque ton fils", "Gisèle on t'aime".
L'appel à se rassembler avait été lancé avec une affiche montrant le visage de Gisèle Pelicot, coupe au carré et lunettes rondes.
Car en acceptant que le procès de son mari et des cinquante hommes qu'il avait recrutés sur internet pour la violer alors qu'elle était inconsciente, soit public, cette femme de 71 ans a soulevé une puissante vague de soutien aux victimes de viols et agressions sexuelles.
"Extrêmement courageuse"
"Ça lui demande un énorme courage mais c'était fondamental, ça permet de voir les visages de son mari mais aussi de tous les autres, voir que ce n'était pas des marginaux mais des 'bons pères de famille'", souligne Justine Imbert, 34 ans, qui a manifesté à Marseille avec sa fille de six ans.
"Beaucoup de gens ont l'impression que le viol ce sont des cas individuels de personnes qui sont folles : ce n'est pas le cas, c'est un vrai problème d'éducation, social, et c'est collectivement qu'on doit attaquer le problème à la racine", estime Maya Schalzé, étudiante de 23 ans dans le rassemblement de Bordeaux.
"On est face à une victime qui est extrêmement puissante, extrêmement courageuse, qui montre son visage, qui a refusé le huis clos et qui demande que le monde entier ait les yeux rivés sur cette affaire, donc nous on est là pour la mettre en lumière et pour demander que la justice soit faite", souligne aussi Elsa Labouret, porte-parole d'Osez le féminisme ! qui a manifesté à Paris, place de la République.
"Quand j'ai lu l'histoire, j'ai eu du dégoût, même du dégoût d'être un homme (…) J'espère qu'il y aura de vraies condamnations, de vrais exemples", dit à l’AFP Stéphane Boufferet, 26 ans, travailleur dans le milieu agricole qui a manifesté avec environ 200 personnes à Clermont-Ferrand.
Car partout, les manifestants ont exprimé le souhait que ces sujets ne soient plus tabous, alors que dans une autre affaire récente, des accusations d'agressions sexuelles longtemps tues visent aussi l'Abbé Pierre depuis juillet.
"Ce procès médiatisé va permettre d'en parler, de réveiller les consciences", espère Martine Ragon, 74 ans, retraitée, manifestant à Marseille pour "dénoncer la culture du viol". "Il faut soutenir les femmes qui sont traitées comme ça", appuie son compagnon, Gérard Etienne, 75 ans.
"J'ai deux de mes proches qui ont été drogués avec du GHB qu'on avait mis dans leur verre en soirée, donc c'est quelque chose que j'ai touché du doigt", témoigne Lisa Lemonnier dans le cortège de Bastia en fin d'après-midi, en lien avec le sujet de la soumission chimique, thématique également au coeur de ce procès.
Après la manifestation d'Avignon vendredi, où se tient le procès et où 200 personnes étaient réunies, 10.000 personnes se sont retrouvées pour l'un des 30 rassemblements organisés dans toute la France samedi : 200 à Bordeaux, 150 à Lyon, 350 à Montpellier, plusieurs centaines à Rennes, 150 à Nice, une centaine en Corse et 1.000 personnes à Nantes, Toulouse, Marseille et Strasbourg, en plus des 3.500 à Paris.
Dans le cortège parisien se trouvaient notamment Charlotte Arnould, qui a porté plainte pour viol contre Gérard Depardieu contre lequel le parquet de Paris a requis un procès ; Camille Kouchner, autrice du livre La Familia grande qui dénonce l'inceste commis sur son frère par le politologue Olivier Duhamel ; ou encore la députée Sandrine Josso, qui a porté plainte en 2023 contre le sénateur Joël Guerriau qu'elle accuse de l'avoir droguée en vue de l'agresser.
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, a réitéré à Paris l'appel des organisations féministes pour une "loi intégrale contre les violences sexistes et sexuelles".
Et d'ajouter : "On a estimé qu'il faudrait au moins trois milliards en tout pour agir sur le sujet des violences sexuelles, 3 milliards ce n'est même pas 0,5% du budget de l'Etat, 0,5% du budget de l'Etat pour avoir la vie sauve".
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