L'ombre de Jean-Claude Gaudin, décédé en mai, a plané mercredi au procès de la rue d'Aubagne, son ancienne adjointe au logement enfonçant le clou sur le désintérêt de la municipalité d'alors sur le logement indigne jusqu'à ce drame de 2018.
A la mairie, "on me disait, l'habitat indigne à Marseille ça n'existe pas", a raconté Arlette Fructus qui témoigne depuis lundi à ce procès. Et c'est simple, en 12 ans de mandat, elle n'a pu rencontrer Jean-Claude Gaudin, qui a régné un quart de siècle sur la 2e ville de France, qu'à trois reprises sur "ses" sujets du logement.
Le maire LR, se souvient-t-elle, avait pris "très mal", comme "une mise en accusation politique" le rapport Nicol commandé par le gouvernement, qui avait révélé au grand jour en 2015 l'ampleur du phénomène du mal-logement à Marseille, y recensant 40.000 logements indignes. Jean-Claude Gaudin l'avait publiquement qualifié à l'époque de "fumisterie".
Huit personnes sont décédées dans les effondrements de la rue d'Aubagne en novembre 2018. Depuis trois semaines, 16 personnes sont jugées, dont un seul responsable de la mairie de l'époque, Julien Ruas, qui était notamment adjoint à la prévention et à la gestion des risques urbains.
Mme Fructus a raconté une réunion hebdomadaire à laquelle elle est conviée où elle aborde le sujet de l'habitat indigne et "quand j’ai utilisé ce terme ça a résonné de façon négative". La majorité municipale de l'époque "faisait face à des situations d'insalubrité et de péril qui avait toutes les caractéristiques de l'indignité…", assure-t-elle aujourd'hui.
Assurant avoir été animée d'une "volonté farouchement déterminée", elle rapporte "l'étanchéité complète de fonctionnement des services malgré les alertes". "C’est vrai, ça n'était pas possible que ces gens se coordonnent sur des actions", a reconnu aussi de son côté Julien Ruas.
A la question d'une assesseure lui demandant si les manquements de la mairie résultaient d'une volonté politique ou de l'inertie d'une administration, Arlette Fructus, qui a démissionné en 2020, répond : "je me la suis souvent posée, cette question, je n'ai pas la réponse".
Entendu comme témoin pendant l'enquête, Jean-Claude Gaudin avait alors assuré qu'il n’existait aucune instance municipale chargée de coordonner la lutte contre l'habitat indigne "parce qu'il n'y avait pas eu ce drame". Et les magistrats instructeurs de relever "que chaque constat ou critique adressé à la ville était traitée comme une attaque de nature politique sans aucune remise en cause".