"J'ai pas eu le choix": deux secrétaires de mairie ont raconté lundi comment elles ont rempli des procurations, 51 ayant même été attribuées à des résidents d'Ehpad, lors du procès des procurations frauduleuses dans le camp LR aux municipales à Marseille.
"Je suis quand même pas bébête. J'ai posé la question : +c'est quoi ça ? Y'a ni mandant ni mandataire. Mais Richard Omiros (directeur de campagne dans les 11e et 12e arrondissements) me dit : 't'inquiète pas, c'est le Covid, cette fois c'est différent'": à la barre Joëlle Di Quirico "assume ses erreurs" mais refuse de porter le chapeau pour les autres.
Dans ce dossier, il est reproché à 13 personnes, dont deux ex-maires de secteur du camp de Martine Vassal, candidate LR malheureuse à la mairie et actuelle présidente de la Métropole et du département des Bouches-du-Rhône, d'avoir mis en œuvre à des degrés divers un système dit de procurations simplifiées. Mme Vassal, qui a contesté toute connaissance ou implication, n'est pas poursuivie dans ce dossier.
Au total, 194 procurations illégales avaient été établies dans deux secteurs (6/8e arrondissements et 11/12e) en 2020 lors d'une élection ultra-serrée où une union de la gauche avait réussi à détrôner le LR Jean-Claude Gaudin après un quart de siècle à la tête de la deuxième ville de France.
Lundi après-midi, le tribunal correctionnel s'est concentré sur les procurations récupérées dans les 11/12e arrondissements et en particulier dans un Ehpad, épisode qui avait particulièrement choqué, 51 procurations ayant été établies aux noms de résidents vulnérables et pour bon nombre d'entre eux atteints de démence ou d'Alzheimer.
Sur le banc des prévenus se trouvaient l'ex-député et ex-maire de ce secteur Julien Ravier qui conteste toute implication, l'ancien directeur de cet Ehpad, et deux secrétaires de la mairie. Mais trois manquaient à l'appel pour "dépression": le directeur de campagne de l'époque de Julien Ravier, Richard Omiros, considéré par les enquêteurs comme "le chef d'orchestre", la directrice générale des services de cette mairie, Claudine Hernandez, et Roland Chervet, le commandant de police qui avait validé les procurations.
"Tout le monde est malade dans cette procédure !", s'est étonné le président Pascal Gand. Après expertise réclamée en urgence, l'état de santé de M. Omiros est en tous cas compatible avec une comparution, a détaillé le président.
"C'est vous qui signez"
Son absence a été remarquée lors du récit de son ancienne secrétaire et colistière dans les 11e et 12e arrondissements, Joëlle Di Quirico, qui a raconté comment M. Omiros lui "mettait beaucoup de pression" dans l'établissement de ces procurations.
Cette petite dame de 64 ans, qui a fini sa carrière à 1.700 euros de salaire, explique comment elle est allée à l'accueil de l'Ehpad Saint-Barnabé récupérer une enveloppe qui contenait une liste de pensionnaires, des photocopies de leurs pièces d'identité et un certificat médical rédigé par un médecin, condamné début septembre dans une procédure de plaider-coupable, indiquant qu'ils n'étaient pas en état de se déplacer pour faire une procuration. Les règles d'établissement des procurations avaient été assouplies dans le contexte du Covid-19.
Mme Di Quirico est alors installée sur une table ronde directement dans le bureau de la directrice générale des services de la mairie. On lui apporte des noms de mandataires potentiels sur des bouts de papier. Richard Omiros lui aurait dit : "Vous mettez les mandataires au hasard" et pour la signature des procurations "c'est vous qui signez, de toutes les manières c'est légal et ça s'est toujours fait en mairie".
"J'ai pas eu le choix, on m'a dit 'tu vas aider Joëlle'. J'ai posé la question à Richard Omiros, lui disant : 'mais j'ai jamais vu ça!', embraye une autre secrétaire de mairie, Valérie Deconi. "Il voulait que je prenne une procuration" en mon nom, "j'ai pas voulu", a-t-elle ajouté.
"On a eu une attaque en règle de la démocratie, où des gens qui ont des fonctions électives importantes se sont sentis au dessus des lois et se sont cru obligés de faire tout et n'importe quoi", a commenté auprès de l'AFPTV Robert Assante, candidat dissident de la droite lors de ces municipales, ex-maire de ce secteur et partie civile dans ce dossier. Les prévenus encourent pour la plupart cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
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