"Un jour je serai docteur !": cette phrase relève souvent de l'inimaginable dans les quartiers populaires de Marseille. D'où l'idée des frères Grabsi de créer une "prépa médecine" d'un nouveau genre, pour que les jeunes des cités aussi puissent entretenir ce rêve.
Depuis 2020, l'association Le Sel de la Vie, fondée par Aïssa et Salim Grabsi (l'un professeur d'économie et l'autre responsable de laboratoire pour les classes de physique-chimie en lycée) accompagne les étudiants de l'université d'Aix-Marseille dans la préparation au concours d'entrée en deuxième année de médecine.
S'ils n'étaient que douze étudiants dans la première promotion, ils seront 104 pour cette année 2024-2025 et la prépa revendique un taux de réussite toutes filières confondues de 45%, nettement supérieur à la moyenne générale des étudiants.
Sa réussite a donné lieu à un documentaire intitulé "Un jour, je serai docteur", coproduit par France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur et disponible sur la plateforme de France Télévision.
L'association Le Sel de la Vie est née du constat que les jeunes des milieux populaires étaient sous-représentés en médecine : "Dans ces quartiers-là, il y a tellement d'autocensure qu'ils n'y croient pas ou qu'ils n'y croient plus. Et pourtant, le potentiel existe, l'excellence existe", assure à l'AFP Aïssa Grabsi.
Au-delà des freins psychologiques, ces jeunes n'ont généralement pas accès aux prépas ou écuries privées qui aident à la préparation du concours, en plus des cours à l'université, mais coûtent plusieurs milliers d'euros l'année.
Au Sel de la Vie, "prépa sociale et solidaire, ouverte à tous", pour permettre un brassage culturel et social, selon M. Grabsi, tout est gratuit pour les étudiants boursiers et le coût ne dépasse pas quelques centaines d'euros pour les autres.
"En arrivant en première année, je cherchais une écurie, mais ça coûtait des sommes astronomiques. Quand j'ai vu qu'il y en avait une gratuite, c'était presque irréel pour moi", témoigne Saber Belfiqih, 21 ans, aujourd'hui en deuxième année d'odontologie. "On avait tout pour réussir !"
Cercle vertueux
Cette prépa atypique se base d'abord sur l'entraide, avec un étudiant ayant réussi le concours accompagnant quatre élèves aspirants.
"On va les aider sur la manière de travailler, leur expliquer les cours. On leur apporte aussi une aide psychologique", détaille Tesnim Souki, 21 ans, étudiante en quatrième année, l'une des quatre personnages principaux du documentaire. "Comme on a vécu la même chose qu'eux, on peut leur faire un retour d'expérience sur nos erreurs."
Olivier Pekmezian, réalisateur du documentaire tourné tout au long de l'année scolaire 2022/2023, reconnait avoir "tout de suite adoré le contact avec ces jeunes qui se battent pour réduire les inégalités".
L'écurie est également accompagnée par un psychologue et une sophrologue : deux atouts essentiels pour tenir une année au rythme intense et parfois angoissant.
Mais si cette prépa est d'un grand soutien pour ceux préparant le concours, elle constitue également une expérience importante pour les tuteurs.
"Ça m'a beaucoup appris au niveau de la rigueur et de l'organisation, et ça m'a aussi inculqué une certaine empathie envers moi-même et envers les autres, ne pas toujours être trop exigeante ou trop dure", expose Tesnim Souki.
Sa camarade Dalia Ali, 22 ans, y a vu une force pour l'avenir, elle qui a la "volonté de poursuivre dans le travail associatif, comme médecin au sein d'une ONG par exemple".
Au-delà du nombre d'étudiants, qui augmente année après année, la pérennité de cette prépa tient aussi au fait que "72% des tuteurs pour cette rentrée 2024 sont issus des deux dernières promos", selon Aïssa Grabsi.
Comme Saber Belfiqih, passé de l'autre côté de la barrière après son entrée en deuxième année d'odontologie : "J'ai voulu être tuteur pour rendre au moins un peu de ce que j'avais reçu."
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