À la veille de leur congrès national prévu de mercredi à vendredi au Mans, les sapeurs-pompiers de France expriment leur inquiétude face à la multiplication de leurs missions et à la pression financière croissante, aggravée par l’instabilité politique actuelle.
Acteurs incontournables de la sécurité civile, les sapeurs-pompiers font face à une hausse continue de leurs interventions, particulièrement marquées par les conséquences du changement climatique. « On monte en charge en permanence sur le secours du quotidien. Mais surtout, ce qui nous impacte aujourd’hui, c’est le dérèglement climatique », déclare Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).
« Depuis trois ou quatre ans, on se prend des événements climatiques très forts, les feux de forêt, mais aussi des inondations, des tornades qui rentrent aujourd’hui dans les risques courants. Et une tornade de quelques minutes dans une commune, c’est 4 ou 5.000 interventions », souligne M. Bosland.
Le rapport de synthèse issu du Beauvau de la sécurité civile – concertation menée d’avril 2024 à avril 2025 – indique que les sapeurs-pompiers réalisent désormais environ 4,8 millions d’interventions par an, contre 3,6 millions il y a deux décennies.
Selon l’Institut des sciences et de l’ingénierie des systèmes (INSIS), cela représente 13.074 interventions quotidiennes, soit une toutes les 6,6 secondes. Le secours aux personnes domine largement, représentant 86 % de l’activité totale, tandis que les incendies n’en constituent que 6 %, confirmant l’évolution du rôle des « soldats du feu ».
« Aujourd’hui, on réfléchit à réorganiser notre réponse opérationnelle. On doit faire la mission d’urgence, c’est pour sauver des vies. Mais il faut retravailler les missions secondaires », explique encore M. Bosland, qui appelle à « une nouvelle loi de modernisation de la sécurité civile, 21 ans après la première ».
Les pompiers réclament une réforme ambitieuse et un financement renforcé
Pour ce 131e congrès, la FNSPF espérait des annonces gouvernementales majeures, notamment cette nouvelle loi, mais la crise politique actuelle semble compromettre ces attentes. Lors du Beauvau de la sécurité civile, cent recommandations avaient été formulées sous l’égide du ministre démissionnaire François-Noël Buffet début septembre, pour améliorer les conditions des 255.000 sapeurs-pompiers du pays – dont 200.050 volontaires, 43.450 professionnels et 11.500 militaires à Paris et Marseille.
« C’est un système en surchauffe, à bout de souffle », alerte le vice-président de la FNSPF, Marc Vermeulen. « Nous sommes pleinement impactés par les difficultés budgétaires de nos principaux financeurs que sont les communes et les conseils départementaux. Donc il y a besoin d’élargir l’assiette du financement ».
Il met en avant une double préoccupation : la montée des risques climatiques et la fragilité du modèle économique des services d’incendie. M. Vermeulen plaide ainsi pour une diversification des ressources, notamment via une taxe de séjour appliquée aux touristes, et une meilleure valorisation du volontariat.
À seulement 21 ans, Eloïse Vermière, « sapeur-pompier volontaire » dans le Jura et le SDIS de Haute-Savoie, illustre cet engagement. « Après le travail, on se met d’astreinte et on attend que ça ‘bipe’ », raconte-t-elle, partagée entre ses études à Lyon et ses interventions sur le terrain.
« J’adore quand le bip sonne, partir, cette adrénaline, pouvoir aller aider la population, que ce soit sur un incendie, pour protéger leurs biens ou alors sur un sauvetage animalier, ou tout simplement, aider une petite mamie qui a fait un malaise », confie-t-elle, animée par le contact humain de cette mission.
Indemnisée 8,60 euros de l’heure, Eloïse perçoit entre 150 et 200 euros par mois pour ses gardes. La FNSPF réclame une meilleure reconnaissance du volontariat, notamment dans le calcul des retraites, afin de fidéliser les nouvelles générations, de plus en plus volatiles. « Peut-être que des gens attendent un peu plus d’argent, un peu plus de reconnaissance. Pour le moment, moi, ça me convient. J’ai mes petites vacations qui me servent d’argent de poche », tempère-t-elle.
Avec AFP



