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Depuis plus de dix ans, Nice perd des habitants. Selon l'INSEE, entre 2008 et 2018, environ 3.800 personnes ont quitté la cité azuréenne. Comment expliquer ce phénomène ? Éléments de réponse avec un expert.
Cette baisse démographique est-elle propre à Nice ? Peut-on y faire quelque chose ? Laurent Chalard, docteur en géographie à l'Université Paris-Sorbonne décrit un phénomène qui n'est "pas surprenant".
1 - Comment évolue la population ici ?
La population de Nice est globalement stagnante, comme le montrent les chiffres de l'INSEE. En 1975, vous aviez 344.480 habitants et en 2018, on était aux alentours de 341.000. C'est une petite diminution.
On remarque deux phases. Entre 1975 et 2008, il y a eu une stagnation qui était une singularité puisque le département des Alpes-Maritimes était en forte croissance.
Entre 2008 et 2018, par contre, on a une baisse plus prononcée avec environ 3.800 personnes en moins dans la commune. La marge d'erreur est de 1% environ.
2 - Comment expliquer cette baisse ?
Nous avons plus de personnes qui quittent le territoire que de personnes qui y entrent. C'est notamment accentué par le fort ralentissement du rythme de construction de logements. En moyenne, on en a bâti 1.000 par an alors que dans les années 1980, on en était à 2.000.
Parallèlement à ça, on note une hausse du nombre de résidences secondaires ou de logements vacants pour les locations saisonnières.
3 - Est-ce seulement une question de logements ?
Il y a un autre facteur très important qui est celui de la création d'emplois. Nice n'est pas assez attractive.
Aujourd'hui, les jeunes ménages originaires de Nice ont tendance à migrer vers un autre territoire. Surtout, il y a peu de jeunes actifs qui arrivent.
On observe que l'emploi repart à la hausse depuis quelques années, mais nous sortons d'une forte baisse.
Ce qui a fait du mal à cette attractivité, c'est le manque de diversité dans les secteurs. Il y a une hyper-spécialisation sur deux domaines : le tourisme et la haute technologie. Mais cette dernière n'a plus le dynamisme des années 1980.
"Les personnes qui partent sont généralement des jeunes actifs et des retraités"
L'autre déficit migratoire concerne les retraités. Jusque dans les années 1980, la Côte d'Azur, c'était vraiment le lieu idéal pour passer sa retraite. Au fil du temps, on a vu émerger d'autres territoires comme la côte bretonne ou atlantique.
Donc non seulement il y a moins d'arrivées, mais certains seniors quittent Nice. Généralement, c'est à cause des problèmes de la grande ville : sécurité, embouteillages, nuisances sonores…
Ils se dirigent vers des espaces plus calmes, et plus avantageux au niveau des prix de l'immobilier.
4 - Observe-t-on cela ailleurs ?
C'est un phénomène qui s'est produit dans d'autres grandes villes. Si on prend Paris, aujourd'hui, la capitale est beaucoup moins peuplée qu'en 1975. Elle continue à perdre pas mal d'habitants depuis quelques années.
Pour ce qui est de Lyon, c'est un peu différent. Elle a perdu énormément d'habitants durant les années 1975 et 1980, mais elle a depuis regagné ce qu'elle avait perdu.
"La population de Nice n'a fait que stagner depuis 1975, à l'inverse d'autres grandes villes"
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, vous avez Marseille qui est beaucoup moins peuplée qu'en 1975 également.
Ce n'est pas un problème spécifique à Nice. La différence, c'est qu'il n'y a pas eu de forte baisse suivie d'une forte hausse : nous avons pu voir plutôt une stagnation de sa population sur le long terme.
5 - Comment la tendance pourrait-elle s'inverser ?
Le marché de l'emploi redevient attractif, grâce à la politique mise en place par Christian Estrosi pour attirer les entreprises. Cela peut donc évoluer de manière positive.
Le quartier Méridia en est l'exemple parfait. Le but est de se réinventer en attirant le tertiaire supérieur, c'est-à-dire tout ce qui est banque, assurance, bureaux d'études, commerce international, conseil…
Ça permet de faire évoluer la politique d'emploi qui est restée la même pendant des années, avec pour seuls objectifs le tourisme et les nouvelles technologies.
Il est possible que nous observions dans cinq ans une tendance tout à fait différente de celle que nous avons actuellement.