Née à Nice puis déportée depuis notre ville par les nazis, Simone Veil s'exprimait en 2005 depuis l’École normale supérieure : inédit à ce jour pour le grand public, son texte de combat paraîtra demain, le 28 août, chez Albin Michel.
"C'est à nous de savoir y répondre". Nous sommes à l'ENS, il y a près de vingt ans. L'ancienne première présidente du Parlement européen évoque devant un parterre attentif le remords des déportés survivants, la nécessaire réconciliation des pays européens. Et, bien avant l'heure, les dangers d'Internet, super-propagateur de fake-news et de négationnisme. La transcription de cette conférence, "Pour les générations futures", sortira demain en librairie. Le magazine Le Point en dévoile quelques extraits.
"C'est leur diffusion sur Internet qui représente un grand danger"
"En réalité, on trouve bien peu d'historiens, quel que soit leur pays, pour soutenir le négationnisme. En revanche, on doit compter avec celui d'Internet, qui est un négationnisme politique" analysait Simone Veil. "On peut toujours raconter ce qu'on veut, c'est de très bonne guerre, personne n'ira vérifier".
"Il existe un public, isolé, peu cultivé, ne sachant parfois même pas lire, qui prend ces inventions pour argent comptant. Ces textes de propagande, parfois des livres entiers, font partie des programmes scolaires dans certains pays. Mais c'est leur diffusion sur Internet qui représente un grand danger".
"Je ne crois pas du tout à la bonne foi de ces auteurs, je suis persuadée qu'ils veulent mobiliser une partie de la population […] Cette propagande aura cours aussi longtemps que nous connaîtrons des conflits. Quels qu'ils soient. Je ne pense pas seulement au Moyen-Orient mais à des conflits violents entre religions, dont certaines utiliseront ce genre d'argument. C'est à nous de savoir y répondre".
Environ 8 jeunes sur 10 identifient correctement le drame de la Shoah, grâce surtout, d'après plusieurs études, au travail de l'école. Les difficultés grandissantes des professeurs à l'enseigner sont donc particulièrement inquiétantes. Parmi les ados et jeunes adultes, les attitudes révisionnistes ou négationnistes étaient encore "très minoritaires" en 2022, selon l'Ifop. Cela étant, 10% estiment que la déportation serait "un drame parmi d’autres de la guerre", 3% une "exagération" et 1% une "invention".
Par ailleurs, un jeune sur cinq, tout de même, indiquait avoir déjà assisté à la remise en cause par un ou plusieurs élèves de certains aspects du génocide. Une proportion qui monte à 30% parmi ceux qui vivent dans des banlieues populaires.
"Identifier pour essayer de prévenir"
"Lorsque l'on parle de génocides, lorsque l'on parle de crimes contre l'humanité, il est très important de spécifier ce qu'ils sont. Parce que je crois qu'on ne peut prévenir certains événements que si l'on en identifie les raisons. Parce que, malheureusement, ces raisons existent. Quelle est donc la raison invoquée ? Pourquoi ce qui se passe se passe-t-il ainsi ? S'agit-il de la haine envers une classe sociale, pour s'en débarrasser, comme au Cambodge, à des fins politiques ? Est-ce une haine ethnique ? La situation a-t-elle dégénéré à l'occasion d'un conflit ? D'un point de vue historique et sociologique, il me semble très important, dès l'apparition de certains symptômes d'une menace quelconque, de l'identifier pour essayer de la prévenir. Car il y a tout de même des moyens. Ce n'est pas facile, mais des moyens permettent d'essayer d'intervenir".
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