Nos spécialités culinaires traditionnelles sont enviées aux quatre coins du monde. Mais il n'est pas rare de les voir dénaturées avec des versions parfois très… farfelues. Des pièges à touristes qui agacent.
Un pan bagnat au poulet, une salade niçoise avec des haricots verts… Une hérésie. Et ce n'est pas Franck Viano qui dira le contraire.
Fondateur du Collectif cuisine niçoise, il assiste "chaque année à la revisite de beaucoup de nos plats". Il le constate : "Tout le monde s'en donne un peu à cœur joie."
Dernière folie en date, un pan bagnat revisité avec une enveloppe en pain de mie. "Je ne sais pas ce qu'il a voulu faire… On dirait un cake."

Une pratique qui se développe jusque chez les plus grands chefs : "Michel Sarran a confectionné un pan bagnat avec de la morue pour les sandwiches TGV. La morue, ce n'est pas du thon…"
"Il y a des ingrédients, à partir du moment où on ne les retrouve pas, ou bien qu'on rajoute des choses, ce n'est plus la recette de base. On conserve l'appellation parce que ça fait vendre, c'est tout. Mais il n'y a rien de traditionnel ou de niçois dans ces plats revisités."
"J'ai même vu une salade niçoise avec du riz à Bordeaux!"
Franck Viano
Pour donner à chacun les clés des vraies compositions, l'Office du tourisme a publié un livret de recettes téléchargeable ici.
"Des chefs, des historiens et des profs de lycées hôteliers ont travaillé dessus pour parvenir à sortir la recette la plus complète et surtout la plus traditionnelle possible" détaille Franck Viano.
Des recettes à préserver
Face à cette perte d'authenticité, Franck Viano ne peut s'empêcher une analyse : "C'est rigolo parce qu'on ne dénature pas, ou beaucoup moins, les autres recettes comme la choucroute ou le cassoulet."
Aux grands maux, les grands remèdes donc. Pour préserver ce patrimoine culinaire, l'amoureux des traditions azuréennes a monté l'association "Toqualoi".
"Nous sommes en train de travailler sur un texte de loi, qui sera porté par la députée Marine Brenier, pour protéger les recettes régionales mais aussi les nouvelles créations des chefs."
"Nous ne sommes pas des ayatollah de la cuisine : on veut juste un respect de la tradition."
Franck Viano
Un ultime recours après avoir épuisé toutes les possibilités accessibles telles que l'AOP, l'AOC, les brevets ou les marques déposées.
"Les chanteurs ou auteurs peuvent protéger leur travail : les chefs aussi doivent avoir cette possibilité".
Dans le viseur, les grandes sociétés agroalimentaires aux préparations parfois éloignées des compositions de base. "Vendre une salade niçoise qui n'en est pas une, c'est mentir au consommateur!"