Il est, de loin, la figure la plus clivante du nouveau gouvernement français. Unique poids lourd de l'exécutif, Bruno Retailleau, tenant d'une droite libérale-conservatrice aux propos radicaux, hérisse déjà la gauche et le centre juste après sa nomination comme ministre de l'Intérieur.
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"Je pense que l'immigration massive, ça n'est pas une chance pour la France", a affirmé le nouveau "premier flic de France" lundi pour son premier plateau télévisé à ce poste. Et le ministre d'annoncer son intention de tout faire pour voir "baisser l'immigration", notamment "expulser plus" et "régulariser moins".
Des positions à l'unisson d'une partie croissante des droites européennes qui, dépassées par l'extrême droite, empruntent une partie de leur programme ou rhétorique.
Quitte à imploser ensuite, comme Les Républicains, le parti fondé par l'ex-président Nicolas Sarkozy et dont Bruno Retailleau est un cadre. Profondément divisé entre son aile centriste et son aile droitière, LR a réuni moins de 5% des suffrages à la présidentielle de 2022, remportée par Emmanuel Macron face à la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen.
Premier parti de France jusqu'en 2012, Les Républicains ont ensuite sombré aux européennes, où ils ont péniblement dépassé les 7%. Ultime déshonneur, leur président Eric Ciotti s'est ensuite rallié au Rassemblement national (RN) de Mme Le Pen. Poussé dehors depuis, il vient d'annoncer qu'il quittait LR.
LR n'a glané que 47 des 577 sièges de l'Assemblée nationale aux législatives anticipées qui ont suivi. Mais le parti conservateur a su profiter d'une division de la chambre basse pour entrer en coalition avec les macronistes (166 sièges), face à la gauche (193 sièges) et l'extrême droite (142).
Et lorsqu'après plus de deux mois d'atermoiements, le LR Michel Barnier a été nommé, c'est tout naturellement qu'il a sollicité le chef du puissant groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, pour le poste de ministre de l'Intérieur.
Car avec une gauche décidée à censurer le gouvernement, l'exécutif se sait entre les mains du RN, à qui il doit donner des gages.
L'équipe de Michel Barnier "est dans une porosité idéologique avec l'extrême droite", a estimé mardi le patron du parti socialiste Olivier Faure. "Sa survie dépend de l'extrême droite et donc il sera amené progressivement à lui faire des clins d'œil de plus en plus appuyés pour se maintenir au pouvoir".
"Rétablir l'ordre"
Bruno Retailleau, 63 ans, catholique pratiquant et "rural" assumé, a multiplié les déclarations controversées sur les questions migratoires ou la sécurité.
Lors des émeutes de juin 2023, consécutives à la mort d'un chauffard mineur abattu par un policier en banlieue parisienne, il établissait un lien entre l'immigration, ces débordements, et "une sorte de régression vers les origines ethniques" de la part des "deuxième et troisième générations" d'immigrés.
M. Retailleau, qui n'a cessé de critiquer "le laxisme" de la macronie, a promis lundi de "rétablir l'ordre", appelant à "changer une politique pénale" qui facilite "l'inexécution des peines".
Réplique immédiate du ministre de la Justice Didier Migaud, seule prise de gauche du gouvernement : Bruno Retailleau "doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays".
Celui qui, il y a un an insistait, sur "les heures (…) belles" de la colonisation, s'est aussi dit favorable à l'idée que la France revienne sur certains accords avec l'Algérie, qui facilitent la venue de ressortissants algériens.
🗣️ "Il faut faire des accords avec les pays du Maghreb pour qu'il puisse y avoir une rétention de l'immigration."
— TF1Info (@TF1Info) September 23, 2024
Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau), ministre de l’Intérieur, invité de @GillesBouleau sur TF1 ⤵️ pic.twitter.com/bDLvuVweGX
Il prône "des accords avec les pays du Maghreb pour qu'il puisse y avoir une rétention de l'immigration". Autant d'idées extrêmement impopulaires dans les pays concernés.
"Je ne veux pas (…) que la France soit le pays le plus attractif d'Europe pour un certain nombre de prestations sociales, d'accès aux soins", a-t-il encore dit, assurant vouloir notamment réformer l'aide médicale d'Etat.
Cette aide, qui garantit aux étrangers en situation irrégulière présents depuis au moins trois mois sur le territoire la prise en charge gratuite de soins médicaux, "n'est pas un sujet d'attractivité pour l'immigration mais un enjeu de santé publique", l'a taclé l'ex-ministre centriste Agnès Firmin Le Bodo.
Le "racisme" est "une valeur clé" du nouveau gouvernement, a dénoncé de son côté la cheffe de file des Ecologistes, Marine Tondelier, fustigeant Bruno Retailleau qui avait soutenu le mouvement hostile au mariage homosexuel voté sous la gauche en 2013.
Le désormais ministre de l'Intérieur a également affiché son opposition à l'inscription de l'IVG dans la Constitution. En vain.
Chez LR, on dresse le tableau d'un homme "à l'écoute", "qui sait s'arrondir". La garde rapprochée de cet insatiable lecteur vante aussi "l'intelligence" et la "force de travail" de son chef de file, tout comme le talent d'orateur de celui qui s'exprime toujours sans la moindre note, citant de mémoire nombre d'auteurs et de penseurs pour nourrir son propos.
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