“On bricole, on essaie de se faire croire qu’on travaille.” Anthony Bastiand, 43 ans, n’est pas tout à fait abattu en cette mi-novembre bien morose pour les restaurateurs. Mais il est lucide : ce deuxième confinement, s’il durait, serait fatal à l’Escalinada. “On est une jeune boîte, on a repris l’enseigne il y a un an et demi. On n’a pas les reins assez solides pour encaisser tout ça” explique le nouveau patron de cette table emblématique de la cuisine niçoise traditionnelle.
“Par rapport au premier confinement, en mars, nous ne sommes pas complètement fermés. On fait de la livraison, de l’emporté grâce au bouche-à-oreille… en se disant que ça sert plus à s’occuper l’esprit qu’autre chose” raconte-t-il dans un soupir. “On tourne avec deux cuisiniers, un le matin, un le soir. Le reste de l’équipe est au chômage. Moi je reste là sept jours sur sept. C’est un enfer de tourner chez soi à ne rien faire.”
Rembobinons un peu pour bien saisir l’ampleur de la situation. “Les semaines qui ont suivi le déconfinement n’ont pas été fameuses. Habituellement, juin, par exemple, ce n’est pas notre meilleur mois. Mais cette année, il a été inexistant, calamiteux” raconte Anthony Bastiand. “On est dans une rue passante (Pairolière, ndlr) du Vieux-Nice : il n’y avait pas un chat.”
“Silence, on coule” a-t-il tweeté cet été.
20 septembre à 21h.
Silence on coule.… pic.twitter.com/kt3U3QzO0Q— Antho (@toujourebel) September 29, 2020
Ensuite, il y a eu un peu de soleil sur le restaurant. “On a bien travaillé en juillet-août, on a fait cinq belles semaines, avec des clients français et européens, poursuit le patron. En tout, on devait être à 80% de notre chiffre habituel en milieu de saison.”
Mais ce petit retour à la normale a fait long feu. “La rentrée de septembre a été une rupture brutale. On a perdu d’emblée 50%. L’épidémie était dans la tête des gens, ils sortaient beaucoup moins. En plus, les grands évènements professionnels, les congrès étaient annulés…”
Parce qu’il y a au moins un niçois qui assure en toutes circonstances 💪🏻
Merci @toujourebel pour le dîner 🤤
N’hésitez pas à le contacter en DM ou à passer par Uber Eats ➡️ « L’Escalinada » pour commander !#OGCNice #SoulidaritàNissarda pic.twitter.com/Hdjvu07nm9
— Sky Nissa #GénérationUrsea (@pantalon_blanc) November 9, 2020
Et puis il a eu le couvre-feu. “On s’est adapté, on a réduit le personnel, modifié les horaires, appliqué les consignes sanitaires comme pendant tout l’été. On avait moins de monde, mais on a lutté”.
Ça n’aura pas suffi pour éviter un deuxième confinement, meurtrier pour beaucoup de commerces, alors que la seconde vague déborde les services de réanimation dès le mois d’octobre.
“Cinq ou six commandes par jour”
“Ça fait mal, on a fait tout ce qu’on nous a demandé, on a pris toutes les précautions, et au final on est un peu les cocus de l’histoire” souffle le restaurateur. “C’est profondément injuste, il y a un côté ‘sanction collective’ qui ne passe pas. Cet été, il y a eu des brebis galeuses, les bars qui se prenaient pour des boîtes de nuit. On paie ça aujourd’hui…”
2 plats tellement emblématiques de notre cuisine en ce moment à l’honneur à l’Escalinada.
Mentalita Nissarda#cuisineniçoise #gastronomie #restaurant #nice pic.twitter.com/L8pcxOJuEa— Antho (@toujourebel) October 26, 2020
“C’est injuste, et on ne comprend même pas. Il y a 150 places ici, les distances, on peut les faire respecter sans aucun problème ! Les risques sont mineurs ici, il y a en tout cas moins de danger que dans les supermarchés où tout le monde s’entasse.”
Depuis juin, l’Escalinada a tenté de se tourner vers le numérique et les applications de livraison. Sans grand succès : “UberEat, ça ne fonctionne pas pour nous. C’est très restrictif en termes de distances, on ne peut pas toucher tous nos habitués. En ce moment, on tourne à cinq ou six commandes par jour !”
Et l’aide des pouvoirs publics ? Il ne faut pas trop y compter, regrette encore Anthony Bastiand. “L’État va nous verser 1.500 euros par mois : mais ça, c’est notre facture d’électricité ! On a 12.000 euros de loyer ! C’est ridicule…”
Les amis, on soutient un membre de la famille niçoise et garant de notre identité culinaire : L’ESCALINADA !
Commandez en ligne
🍽️ ➡️https://t.co/Iq0jmSqbgiou envoyez un DM à @toujourebel.#Nice06 #Solidarité #OGCNice #UberEats pic.twitter.com/yd0aeDfB82
— BEILLITSE (@beillitse) November 2, 2020
“La Ville de Nice ne nous aide pas plus, personne n’est venu nous parler pour voir comment nous filer un coup de main dans tout ça. Pire (si c’est possible), ils parlent de couvre-feu et de nouvelles restrictions, en plus de ce que le gouvernement impose déjà…”
“Ce qui est clair, c’est que le temps ne joue pas pour nous. Si on déconfinait le 15 décembre, on pourrait encore sortir la tête de l’eau. Mais on a un vrai besoin de visibilité sur ce qui est décidé.”
Pour le restaurateur et pur niçois, si L’Escalinada devait mettre la clé sous la porte, ce ne serait pas qu’un coup dur pour lui, mais aussi, évidemment, pour notre patrimoine : “Je suis Niçois, c’est ma ville, c’est la nourriture qui me parle, les recettes de nos grands-mères.”
Quand ça commande à l’Escalinada de @toujourebel ça donne ça ! Un régal ! Beignets de légumes, frites de panisse, tapenade toute fraîche, salade de poulpe, etc… Une daube 😍 puis tourte de blettes ! N’hésitez pas à commander ici ! https://t.co/tBdeETBFHc pic.twitter.com/IODNib38hU
— Nicodemo (@Nicodemo06) November 10, 2020
“Notre mission, c’est de faire goûter cette cuisine, de la partager, de la faire vivre. Je pense qu’on la remplit plutôt bien, on travaille, on a bonne réputation. Tout est fait à la main, c’est un travail de titan, parce que la cuisine niçoise demande du temps.”
“Il y a un pan énorme de la culture niçoise qui décline à vue d’oeil. Si on baissait le rideau, ce déclin s’accélérerait encore.”
Alors que la réouverture des commerces pourrait être envisagée début décembre en cas d’amélioration notable des indicateurs sanitaires, l’assouplissement des restrictions ne concernera pas les restaurants avant les vacances de Noël, au mieux. D’après le chef Philippe Etchebest, 30% des enseignes pourraient faire faillite d’ici là.
Infos pratiques
> Pour commander via UberEat, c’est par ici
> L’Escalinada est joignable via son site, son profil Twitter et via ce numéro : 04.93.62.11.71
> 22 Rue Pairolière, 06300 Nice