"Je veux écouter les Niçois abandonnés par cette mairie": à l'occasion de la rentrée, Eric Ciotti, député de Nice-Centre, président des Républicains, est notre invité. Tour d'horizon de l'actualité locale.
Nice-Presse : Parmi les actus de la semaine, les bons chiffres de la saison. La Métropole niçoise y voit le succès de sa stratégie de développement. C'est votre avis ?
Éric Ciotti : Je sais bien que Christian Estrosi pense que le soleil se lève et se couche grâce à lui, mais ce succès, c'est celui des grandes villes azuréennes. Notamment grâce au travail du comité du tourisme Côte d'Azur France qu'il a pourtant souhaité détruire, et que le conseil départemental a sauvé.
Les touristes seraient attirés par les événements et la politique culturelle niçoise. Vous la critiquez beaucoup, pourquoi ?
Parce qu'elle n'est plus au niveau de Nice ! C'est un fait : nous avons subi une déculottée avec le refus de notre candidature pour devenir capitale européenne de la culture, face à Clermont-Ferrand et Bourges…
L'offre a été considérablement dégradée, avec la démolition d'un théâtre, d'une cinémathèque et de l'un des plus beaux auditoriums d'Europe.

Il reste par exemple le Jazz festival ou le carnaval, mais on ne les doit pas à cette mairie. À côté de cela, il n'y a aucune grande exposition, les musées ne sont pas au niveau. Les chiffres du théâtre national se sont effondrés, surtout si on les compare au théâtre Anthéa d’Antibes.
J'alerte aussi les Niçois sur un point. Le TNN a été rasé au prétexte de sa vétusté. Mais regardez l'état de l'Opéra !
Heureusement, le Conseil départemental se substitue à la Ville, avec la montée en puissance de l'espace Lympia et du musée des Arts asiatiques. Les expos Hokusai et Vaserely ont fait, et font l'évènement. Nous travaillons actuellement à d’autres expositions inédites. La culture doit être accessible partout, et pour tous !
Vous dites que Nice est gérée "comme une carte postale", c'est-à-dire ?
Notre façade maritime, notamment, est magnifique, grâce au travail de Jacques Médecin et de Jacques Peyrat. Le centre aussi, la ligne 2 du tramway voulue par Christian Estrosi est une réussite.

Mais regardons la situation à quelques pas. L'avenue Jean-Médecin est le symbole de la dégradation de notre ville. Une femme seule ne peut plus y circuler à partir de la tombée de la nuit. Il y a des agressions, des toxicomanes et des trafiquants de drogues.
Je pense aux trop nombreux habitants de notre ville qui se sentent abandonnés par la municipalité actuelle. Je suis choqué par le délabrement des logements sociaux gérés par le bailleur social de la ville avec par exemple l’entassement de 40 moutons dans un appartement de la cité des Liserons.
C’est ce déséquilibre insupportable qu’il faut combattre. Je souhaite réinstaller une forme de dialogue avec les Niçois. Ils doivent être écoutés.

Sur la sécurité, il y a des bornes, des caméras, et la police municipale un peu partout. Que faire de plus ?
La réalité n'est pas celle pour laquelle la mairie fanfaronne à coup de publicités payées dans les médias (encart "Nice la ville la plus sûre de France", publié par Nice-Matin, ndA).
Aujourd'hui, le rapport coût-efficacité de la police municipale m'inquiète. Je le dis en soutenant les agents qui font un travail extraordinaire et subissent cette situation.
Les effectifs communiqués sont inexacts, notamment parce que les chauffeurs du maire et de son premier adjoint sont encore décomptés. Des personnels en disponibilité font également partis des effectifs. Christian Estrosi voudrait que la police municipale soit sa garde prétorienne, ce n’est pas sa vocation. Il faut la réorienter, elle est totalement désorganisée et cela doit se faire en écoutant nos policiers municipaux.

La Plaine du Var a beaucoup changé depuis vingt ans, mais vous dites qu'il s'agit d'un "ratage complet". Sur quelle base ?
Sur la base de données concrètes. Les autres grandes communes, comme Toulouse, Montpellier ou Bordeaux, ont attiré de nouveaux emplois, des habitants et des étudiants depuis vingt ans.
Les chiffres de Nice sont très modestes, puisqu'en réalité, cette Métropole n'est pas attractive, avec son quartier d'affaires installé dans une zone de délinquance majeure. Aucune grande entreprise ne s'est installée dans la Plaine du Var.
Ils ont fait sortir de terre des bâtiments d'une mocheté absolue, supposés accueillir des bureaux que personne ne loue, en réalité. Tout cela porte atteinte à l'environnement. L’Institut Montaigne l’atteste, 11 hectares ont été bétonnés sur la période 2020-2021. Nice est la ville qui bétonne le plus les sols, tout en se faisant passer pour écolo.
Vous avez été premier adjoint à Nice, président du Département… Pourquoi ne pas vous être opposé à ce développement, alors ?
Mais je l'ai fait, et je continue de le faire. J'ai toujours dit qu'il ne fallait pas ouvrir d'immenses surfaces commerciales à l'Ouest. Qu'il ne fallait pas non plus inaugurer 13 000 logements dont 30 % de HLM, on a vu ce que ça a donné aux Moulins !
Que feriez-vous autrement ?
Sur la forme, revenons à une audace architecturale, à de la qualité, pour laisser un héritage et des équipements de qualité. Ce n'est actuellement pas le cas avec tous ces machins de béton. Sur le fond, inspirons-nous de Sophia Antipolis qui, elle, obtient de solides résultats économiques.

Des atteintes à la laïcité sont dénoncées dans quelques écoles niçoises. Il y a dix ans, Nice était décrite comme particulièrement concernée par les dérives de l'islam radical. La situation s'améliore ?
Je crains qu'elle ne se soit dégradée. L'islamisme a longtemps avancé à bas bruit. Aujourd'hui, il accélère. Nous avons connu beaucoup de départs vers le djihad, trois attaques terroristes…
Je suis député, les Niçois me parlent, m’écrivent, m’appellent. On voit que les atteintes à la laïcité se sont multipliées. Des faits inquiétants me sont signalés dans plusieurs établissements de Nice et du département.
J'ai soutenu le ministre Gabriel Attal sur l'abaya. Mais je rappelle que mes amendements pour interdire le port de signes religieux aux parents accompagnants scolaires, et celui du voile pour les fillettes, ont été rejetés par le pouvoir actuel.
Le budget de rénovation des écoles a été augmenté ces dernières années, c'est quelque chose que vous saluez ?
Non, puisque c'est insuffisant. Il faudrait entamer un grand plan de travaux dans les établissements. La Ville mobilise des dizaines de millions d'euros pour des compétitions sportives, ce sont des moyens qui ne sont pas utilisés pour nos enfants. Toujours cette politique bling-bling. Les familles voient leurs impôts considérablement augmenter et ne constatent aucune contrepartie.
Parmi les grands travaux, il y a l'extension de la coulée verte. Le Département devait la soutenir à hauteur de 7 millions d'euros, avant de se rétracter. La Métropole menace de porter l'affaire devant les tribunaux. Cette subvention sera-t-elle versée, ou non ?
Nous sommes une assemblée souveraine, les élus décideront. Cet argent, il pourra servir à accompagner des projets utiles aux Niçois. Donc pas celui-ci !
Christian Estrosi vous accuse de retirer à Nice autant de subventions départementales que possible, pour que la situation se dégrade. Qu'en est-il ?
C'est une fable, d’une très mauvaise foi. Le Département souhaitait par exemple participer au financement du commissariat mutualisé Saint-Roch. Mais la Métropole nous le refuse ! Elle a interdit aussi au Nice LTC de nous solliciter pour la Hopman Cup alors que nous étions prêts à y apporter 500 000 euros. C'est bien qu'elle n'attend pas les financements du conseil départemental.
On nous accuse d'avoir abandonné l'Opéra, alors que nous versons plusieurs millions d'euros. Avec Charles Ange Ginésy et le Conseil départemental, nous sommes présents sur les grands projets, comme le tramway ou le grand stade. Nous soutenons le raccordement à l'autoroute à l’ouest de la ville, sans être obligés de le faire, par exemple.
La haine que porte Christian Estrosi à mon égard lui fait dire n’importe quoi. Être maire de Nice impose des responsabilités, on ne peut pas mentir aux Niçois.

Nicolas Sarkozy disait cette semaine à la télévision que Reconquête, le parti d'Eric Zemmour, fait partie de la droite républicaine. Qu'en pensez-vous, et pourriez-vous travailler à Nice avec Philippe Vardon ?
J'écoute Nicolas Sarkozy, mais je trace ma voie. Les Républicains veulent unir tous les électeurs de droite. Je dis "les électeurs", pas "les appareils". À Nice comme à la tête de la droite républicaine, je trace ma route, fidèle à mes valeurs et mes convictions.