Alors que la frontière franco-italienne a longtemps été comparée à une passoire, les autorités françaises assurent avoir aujourd'hui les moyens de "tenir les cols, les routes, les gares…" Et d'expulser bien plus de délinquants étrangers qu'auparavant.
La table de bois, immense, est dressée dans l'une des salles de réception du Palais Sarde, elle-même ornée de boiseries peintes d'allégories du théâtre et de la comédie. Mais ici, ça ne rigole pas. Ce 9 août, comme chaque vendredi, les différents services qui constituent les forces de l'ordre sont réunis autour du préfet. Pour la première fois, Hugues Moutouh a décidé d'ouvrir ce temps fort à la presse locale.
Faut-il y voir un simple coup de comm' estival, alors que le maire de Nice, Christian Estrosi, réclame son renvoi pour "incompétence"? Niet, répond, placide, le représentant de l'État dans le 06. "J'ai toujours souhaité ouvrir ces échanges aux journalistes. Pour vous comme pour nous, ils permettent de prendre la température de la délinquance".
Surtout de la lutte contre l'immigration illégale, ce matin. Le premier bilan du semestre serait plutôt positif, à entendre la préfecture : on arrête en ce moment autant d'étrangers en situation irrégulière sur une semaine que sur une seule journée l'an passé. Certes, Nice-Presse le relayait déjà en mai dernier, le contexte joue beaucoup : les flux ont baissé de 60% à la frontière franco-italienne, mais le bond est de +185% du côté de l'Espagne.
"Tenir la frontière, c'est capital, et ça a souvent un impact sur la délinquance connue dans les Alpes-Maritimes"
Dans le détail, 311 "interceptions" ont été menées à la frontière depuis le 5 août, notamment grâce "à une coopération de grande qualité avec les Italiens". Nouvelle, puisque jusqu'alors "à Vintimille, ils laissaient passer tout le monde. Avant de se rendre compte que cet appel d'air leur était aussi défavorable… Depuis un an, la situation a radicalement changé. Les patrouilles transalpines sont renforcées, les camps vintimillais n'existent plus". Le préfet donne aussi crédit aux pays du Maghreb, surtout le Maroc (mais clairement pas l'Algérie, en ce moment), qui empêchent bien des mises à l'eau de bateaux en amont.
"Tenir la frontière, les gares, les cols, les autoroutes… c'est capital, et ça a souvent un impact sur la délinquance connue dans les Alpes-Maritimes" décrypte le préfet. Par exemple en ce moment, nombreuses sont les entrées irrégulières sur le territoire représentées par des migrants mineurs non-accompagnés, qui doivent être pris en charge par les Départements. "On observe que ces MNA sont de retour comme petites mains des trafiquants de drogue dans la cité des Moulins" renseigne une gradée de la police nationale. "Ce n'était plus trop le cas depuis quelques temps, voici que ça reprend…" Près de 2400 jeunes ont passé la frontière depuis le 1er janvier.
"C'est un jeu du chat et de la souris entre nous et les réseaux de passeurs, souvent des organisations criminelles"
Mais Hugues Moutouh a-t-il les moyens d'une politique musclée ? "J'entends certains syndicats ou certains hommes politiques mettre en cause le niveau des effectifs. C'est en réalité une vision des choses assez has been" égratigne le préfet. "J'ai tous les agents dont nous avons besoin. Et nous ne sommes pas débordés".
Selon lui, ce sont les outils technologiques qui, aussi, font la différence : "dans les Alpes, on peut se dire que l'on va mettre un policier ou un militaire tous les deux mètres. Ou être malins et faire décoller des drones pour observer les spots stratégiques, et y déployer nos moyens uniquement s'il y a lieu".
Dans les reliefs, des "sonars" sont utilisés pour repérer les mouvements. Pour ce qui est des poids lourds, on peut repérer aujourd'hui depuis l'extérieur les pulsations cardiaques d'éventuels passagers clandestins.
"C'est un jeu du chat et de la souris entre nous, et les réseaux de passeurs, souvent des organisations criminelles, qui exploitent la détresse" poursuit-il.
Avant de déminer "un cliché": "que chacun le comprenne bien. Tout notre système est focalisé sur les fauteurs de trouble et les radicalisés. Nos CRA - les centres de rétention - sont pleins de repris de justice. Les expulsés sont très majoritairement des délinquants. La police ne traque pas les mamans ou les familles sans papiers".
Depuis le 1er janvier, 264 expulsions du territoire ont pu être menées avec l'accord de la justice, ce qui peut paraître peu, mais qui représenterait "une hausse de 30%" sur un an. 156 de ces "éloignements" concernaient des "profils de délinquants durs".
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