Intérêts divergents, cultures opposées… Entre les hôteliers et les marques de cosmétique spa, les rapports ne sont jamais simples. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer une collaboration sereine. Sauf qu’il existe un troisième acteur qui peut faire toute la différence : l’opérateur. Démonstration.
Posons les personnages et l’intrigue. À notre droite, côté cour, l’hôtelier, qui envisage de créer un spa, soit pour répondre à la demande de la clientèle (parfois), soit pour rester dans la course et ne pas se laisser distancer par ses concurrents (souvent) ! Pour lui, le spa est un poste de profit au même titre qu’un bar ou qu’une boutique. Avec, en prime, des codes de fonctionnement qu’il maitrise peu ou mal. C’est dire qu’il ne se lance pas toujours dans l’aventure avec l’enthousiasme créateur que l’on pourrait imaginer…
À notre gauche, côté jardin, la marque cosmétique, qui voit dans le spa hôtelier un nouveau canal de distribution pour ses produits. Elle recherchera donc les lieux les plus prestigieux, quitte à livrer une concurrence acharnée à ses concurrents pour s’y implanter et renforcer son image. Bref, des motivations très différentes, qui peuvent parfois dégénérer, si les deux futurs partenaires ne prennent pas le soin de clarifier les choses très vite !
L’hôtelier va choisir une marque en fonction de l’image qu’elle lui renvoie (par exemple image de luxe ou image bio/écolo), qui ne correspondra peut-être pas à celle de l’hôtel. Derrière ce choix se cachera souvent le désir d’attirer une nouvelle clientèle, attachée à la marque cosmétique. Plus la marque est prestigieuse, plus elle est convoitée, et plus le mariage hôtel/marque devient emblématique. Dior au Plazza Athénée, Valmont au Meurice, Shiseido au Mas Candille de Mougins, Guerlain au Trianon Palace à Versailles, Vibrahealing au Palazzo Fiuggi sont autant d’exemples d’unions réussies.
Mais le plus souvent, le choix reste instinctif et approximatif, car la sélection d’une marque partenaire doit se faire en cohérence avec le concept même du spa. Et rester réaliste. L’hôtelier va donc attendre de la marque qu’elle prenne entièrement en charge la gestion du spa, la communication, voire le soutien à la création.
Or, personne ne rase gratis ! Si la marque s’investit, c’est avant tout pour vendre le plus de produits possibles, et non pour rendre le spa rentable. De son côté, elle va donc mettre la barre très haut, en faisant investir l’hôtelier dans un lieu magnifique (en cas de création) ou dans une rénovation jugée nécessaire (en cas de reprise d’un spa existant).
Bel endroit ou centre de profit ?
Dans tous les cas, la marque poussera à la roue pour créer le plus bel endroit possible, futur écrin de ses propres produits. Dans la majorité des cas, elle refusera de gérer le spa en propre. On ne peut pas lui en vouloir : son métier, c’est de vendre des produits, non de diriger un spa ! Rares sont les marques cosmétiques qui ont su créer de vrais pôles de gestion et devenir des opérateurs spa à part entière comme Thalgo, After the Rain ou Deep Nature.
Ainsi engagée, la relation n’est pas forcément harmonieuse… Si pour l’hôtelier, la marque doit tout faire, cette dernière se plaint souvent que son partenaire, lui, ne veut pas s’impliquer. Car si la marque opère le spa, elle prend en charge le personnel et les consommations d’énergie, mais entend bien laisser les réparations, l’entretien, les ravalements et rénovation à la charge de l’hôtel. Comme dans une relation de couple, tout va bien, tant que l’argent coule à flots ! En cas de crise, comme en 2009, les rouages s’enrayent et craquent, les reproches mutuels s’amoncellent. Et le temps se met à l’orage : renégociation des consommations d’énergie, des prestations de linge, non-renouvellement de contrats, etc. Autant d’éléments qui expliquent le chassé-croisé des marques dans les hôtels…
Les chaines du mariage sont si lourdes, qu’il faut être trois pour les porter, écrivait Sacha Guitry. Cela se vérifie également pour le spa d’hôtel avec l’entrée en scène d’un troisième larron, l’opérateur. Ce dernier gère le spa, rémunère le personnel et reverse des royalties à l’hôtel. Il sert en fait de fusible entre l’hôtelier et la marque. Il s’agit généralement d’un gestionnaire avisé, connaissant bien l’univers du soi et du service. Il a pour mission de renforcer la cohérence du spa et, surtout, de le faire « tourner » le mieux possible.
Caché en coulisses, il attire moins l’attention qu’une griffe cosmétique, mais doit tenir ses objectifs. Il est donc fréquemment encore plus exigeant que l’hôtelier vis-à-vis de la marque. À tel point qu’il n’est pas rare de voir des opérateurs spa créer leurs propres lignes de cosmétiques, comme Elemis ou Espa. Un prêté pour un rendu, puisque certaines marques sont aujourd’hui devenues opérateurs !
Avant de s’engager, l’hôtelier aura donc tout intérêt à bien préparer son dossier. En cas de création, le succès dépend de multiples éléments : la surface à accorder au futur spa, la localisation dans l’hôtel, la situation géographie, le nombre de chambres de l’hôtel, le budget dégagé pour la réalisation. Et notamment le respect d’une règle essentielle : si l’endroit ne convient pas à la création d’une ou plusieurs chambres, il ne conviendra pas non plus à un spa. « Autant créer, à ce moment, un parking supplémentaire, qui sera plus utile à l’hôtel », commente Philippe Coulibaly, gérant du Ritz Health Club, souvent appelé en expert par ses confrères. De leur côté, opérateur et marque cosmétique veilleront à rédiger un contrat clair qui ne laisse aucun détail dans l’ombre…