Alexandra Borchio-Fontimp est sénatrice Les Républicains des Alpes-Maritimes. Conseillère départementale, elle a également été chargée de cours pour l’IPAG Business School et journaliste.
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Mettons fin à la culture de l'excuse : cessons d'opposer autorité de l'Etat et libertés
« Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au- dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie. » Criants de vérité, ces mots prononcés par Platon dans La République, interpellent par leur résonance avec l’actualité.
Notre pays est à la croisée des chemins. Nos gouvernants doivent, dès à présent, rendre à l’Etat l’autorité naturelle, parce-que nécessaire, indispensable à la bonne conduite des politiques publiques, en évitant le piège de l’autoritarisme, qui serait tout aussi dangereux.
"Pour lutter contre « le début de la tyrannie », il est plus que jamais nécessaire de faire cesser ce laxisme pernicieux qui marque au fer rouge chaque décision gouvernementale"
Famille, école, entreprise, religion, association, forces de sécurité ; ni les structures institutionnelles ni les structures traditionnelles n’échappent à cette remise en question. L'exigence d'horizontalité fondée sur l'idée selon laquelle il serait « interdit d'interdire » encourage les aspirations individualistes. Chacun sombre dans une pensée du tout pour moi, du rien pour l'autre. Le monde est plongé dans une crise d'adolescence permanente qui s’exprime par une négation absolue des limites et, en conséquence, se matérialise par le recul de l'Etat de droit.
Fort heureusement, des reliquats subsistent ! De la plus petite classe d'école, aux rues de Paris lors d'une manifestation, l'autorité demeure le ciment qui permet aux citoyens de jouir pleinement de leurs libertés individuelles, et ce en toute sécurité. Sans autorité, c'est alors toute la cité qui est en péril. Le droit constitue la pierre angulaire de nos sociétés modernes et donne corps à une cohésion nationale forte de ses valeurs Républicaines. Sans lui, le vivre ensemble s'efface au profit de l'anarchie.
Qui peut nier que la crise de l'autorité a infiltré des milliers de foyers ? L'autorité est en crise dans la cellule familiale, là où pourtant elle devrait être la plus légitime. Premier échelon dans la construction identitaire d’un enfant, l’éducation parentale doit être vecteur de socialisation des citoyens de demain. Aussi, les carences liées à une éducation sans règles ni limites, sont les combustibles d'un brasier qui, dans sa globalité, bouscule les traditions essentielles de notre société. Combien de mineurs font aujourd’hui les gros titres des faits-divers après avoir abattu froidement un autre adolescent ?
L'actualité alerte par sa récurrence, pourtant aucune solution durable n’est mise en œuvre par le gouvernement. Toujours le même constat : des enfants toujours plus jeunes, le plus souvent déscolarisés et majoritairement récidivistes. Sans surprise aucune, près des trois-quarts des mineurs délinquants sont ainsi déscolarisés. Dès 2003, le Sénat, alertait déjà le gouvernement sur la délinquance des mineurs et rappelait qu’elle avait augmenté de 72% entre 1992 et 2001. Plus que significatif, ce chiffre est alarmant. Mais rien ne bouge. « Enfants rois », « enfants tyrans », dans tous les cas l'épanouissement et l'autonomie de l'enfant sont devenus plus importants que l'écoute et le respect. Quel paradoxe lorsqu’on sait qu’une grande partie de l'autorité repose sur la connaissance et l’acceptation de soi et de l’autre.
La crise de l’autorité parentale s'inscrit dans une crise de la transmission. Nous assistons également à la volonté affichée de certains groupes extrémistes de diffuser le message selon lequel les élus ne seraient plus légitimes, les institutions efficaces et que tous devraient donc être renversés. L'école de la République, loin d'être épargnée, en connaît les principaux symptômes. Près d'un enseignant sur deux déclare s'être déjà autocensuré pour éviter un incident. Fait marquant, le pourcentage d'enseignants s’étant censurés dans leur enseignement des questions religieuses a augmenté de treize points depuis 2018.
L’explosion du nombre d’agressions contre les élus locaux ou contre les forces de sécurité doit être jugulée. Les chiffres sont glaçants, chaque jour ce sont près de trente policiers ou gendarmes blessés et une centaine de policiers ou gendarmes agressés. De surcroît, nous assistons à une augmentation pharamineuse de la fréquence d’actes de sauvagerie. Dernièrement encore, le Président de la République lui-même, a été victime d’une agression. Pire, le citoyen est lui aussi une cible, encore plus lorsqu’il fait preuve de civisme. A chaque bafouage de l'autorité de l’Etat, la République sombre un peu plus avec trépas.
En outre, l'urgence de la situation oblige chaque élu à investir les champs juridique et politique pour sensibiliser nos concitoyens à la croissance exponentielle et non maitrisée de la violence. En l'absence de solution miracle, il semble primordial d'apporter une réponse basée sur deux principes essentiels. D'une part, le devoir d’être juste dans l'exercice de son autorité et d'autre part, s’engager à appliquer avec discernement les règles prévues à ce titre.
Premièrement, il est important de traiter le problème à la base.
"Face à la crise de l'autorité parentale, la législation actuelle n’apporte que peu, voire aucune solution aux comportements inconscients de certains parents, qui rappelons-le sont souvent tout aussi responsables des agissements de leur enfants que leurs enfants eux-mêmes"
Par voie de conséquence, il serait par exemple intéressant afin de responsabiliser les familles, de prendre des dispositions concrètes et véritablement dissuasives pour sanctionner les parents d'enfants délinquants.
Deuxièmement, il est impérieux de rendre au professeur le respect qui lui ait dû en raison de sa fonction certes, mais aussi et surtout du rôle fondamental qu’il occupe dans la transmission du savoir vers les plus jeunes. Chaque élève a le devoir de respecter son professeur. Rien ne justifie le recours à une telle violence en cas de désaccord. L'adulte n'est pas l'enfant. Restaurer l’autorité, c’est ainsi favoriser le développement d'un esprit critique dès lors qu’il s’exerce dans le respect de l'autre. Réhabilitons rapidement la promesse pédagogique de l'école ! Cessons de tomber dans une démagogie poussiéreuse en perpétuant la culture de l’excuse ou plus globalement du phénomène « pas de vague ». Chaque micro-incident doit être signalé, traité par le rectorat compétent et sanctionné.
Troisièmement, la crise de l'autorité étatique semble être le chantier le plus colossal. A l'heure où 40% des peines de prison ne sont pas exécutées, il faut faire de l'autorité l’antidote contre l’ensauvagement de notre société. La France doit réaffirmer que l'autorité n'est, quant à elle, ni discutable ni à discuter. A cette fin, je suis favorable à la mise en place d’une loi de programmation sur la sécurité et la justice. Cette dernière viserait à apporter des réponses à la fois pénales, mais aussi budgétaires. Ne nous contentons plus d’hommages répétés à nos forces de l’ordre. Depuis de trop longs mois, les chemins de la République sont éclaboussés par le sang de ces femmes et ces hommes de courage. Nous leur devons plus que des mots, il faut des actes forts. Grâce à cette loi, il sera plus facile de prévoir et d’adapter nos actions afin que policiers, gendarmes, pompiers et magistrats réalisent leurs actions dans les meilleures conditions. A titre d'exemple, j’ai adressé un courrier au ministre de l’Intérieur, le 7 mai dernier, afin de lui proposer notamment d’augmenter les dotations en matière de protection des forces de sécurité. Sur le plan pénal, les réponses en matière d'autorité et de sécurité dépendent tout autant des forces de l’ordre que de la Justice. Mettre fin totalement aux remises de peine automatiques, instaurer des peines planchers pour les agressions sur nos forces de l'ordre, placer les travaux d'intérêts généraux au cœur de l'application des petites peines mais surtout garantir une exécution réelle des peines prononcées. La sanction pénale doit retrouver tout son sens. Pour ce faire, il devient urgent de créer 20 000 places de prison supplémentaires. La Grande-Bretagne en possède environ 77 859 tandis ce que la France n’en possède que 62 673. A démographie similaire, un tel écart apparaît scandaleux.
Enfin, faire preuve d’autorité, c’est manifester une extrême fermeté avec ceux qui sont hors la loi, et une grande humanité avec ceux qui la respecte. Si toutes ces crises sectorielles démontrent qu’il existe une crise générale de l’autorité de l’Etat il faut, comme l’affirme Voltaire à la fin de Candide, « cultiver notre jardin ».
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