D'après nos informations, le "meilleur ennemi" de Christian Estrosi tente d'organiser une révolte des élus métropolitains. Récit d'une récente réunion politique hautement stratégique.
C'est un point de crispation majeur dans les Alpes-Maritimes ces dernières semaines. La Métropole a mis en pause la reconstruction post-tempête Alex, dans le sillage d'une enquête ouverte par le Parquet au sujet de la comptabilité des différents chantiers. Pour Christian Estrosi, pas de raison de s'inquiéter. Le 2 juin, il était à Tournefort, annonçant notamment que le feu vert a été donné pour la reprise des travaux.
Jusqu'à présent, le long cheminement vers le retour "à la vie d'avant" progressait normalement. D'après qui ? Les maires des vallées eux-mêmes, qui en félicitent la Métropole à chaque séance plénière depuis trois ans.
Cette unanimité agace prodigieusement le rival du président de Nice Côte d'Azur, Eric Ciotti. À tel point qu'il a réuni les élus ruraux pour un déjeuner le mois dernier, histoire de les encourager… à se révolter.
"Il ne faut pas me chercher"
Avec une franche entame : "oui, évidemment, je serai candidat à la prochaine élection municipale niçoise". Comprenez : donc peut-être votre futur président de Métropole. Collectivité au sein de laquelle il n'a pas de mandat, mais dont les débats lui restent en travers de la gorge.
"Je suis conscient des éventuelles pressions. Que rien n'est simple pour vous. Mais vous avez des comptes à rendre à vos électeurs" répète le député aux maires à quatre reprises au cours de ce déjeuner. Pour lui, on ne les entend pas assez critiquer la politique de Christian Estrosi.
Et il l'annonce : "j'irai sur les chantiers bloqués, j'organiserai des réunions publiques dans les communes et s'il faut, je manifesterai devant l'hôtel de ville (de Nice, ndlr)". Face à lui, des édiles de petits bourgs qui ont toujours fui comme la peste le conflit entre Ciotti (qui a la main sur le conseil départemental et ses très larges subventions) et Estrosi (idem du côté de la Métropole).
Une part d'entre eux se demande comment se positionner dans cette situation, sans y perdre des plumes. "Au cours des prochaines campagnes, c'est à vous que l'on reprochera le niveau des impôts (…) C'est vous qui allez devoir payer pour les projets pharaoniques des Niçois (…) Vous ne devez pas laisser dire et faire n'importe quoi" répète Eric Ciotti. Autrement dit, rester discrets, sans prendre parti, ne serait bientôt plus une option. "Mais je ne vous donne pas de leçons et ne vous dit pas comment agir…"
"On me critique, mais il ne faut pas me chercher. Je vous mets simplement en garde du fait que moi, je ne serai pas comptable de ces décisions devant les électeurs. Et vous ? Les Maralpins vont finir par en avoir marre. Tirez-en les conséquences".
Autour de la table, le constat est partagé par quelques-uns, dans la Tinée comme dans la Vésubie. Un édile dont la commune est proche de Levens estime que le "conseil des maires" qui précède, sans public, les séances plénières du conseil métropolitain ne sert à rien. D'autres collègues, tout au Nord de la Métropole, acquiescent, trouvent cette réunion vite expédiée, sans que chacun ose forcément s'y exprimer. Dans le camp Ciotti, on a une solution toute trouvée : organisez-donc un "conseil des maires parallèle" pour vous structurer, puis pour vous opposer, à plusieurs, aux décisions.
Vers un procès ?
Au menu aussi : une possible refonte des aides accordées par le conseil départemental, pour les accompagner davantage. Faut-il y voir une façon de trouver des alliés contre Christian Estrosi dans l'arrière-pays, en maniant les subventions ? "Non, puisqu'Eric Ciotti n'aurait pas besoin d'eux pour être maire en 2026" dément son équipe le 8 juin. Certes, mais déséquilibrer le fonctionnement de la collectivité, dont les compétences sont tentaculaires, pourrait sérieusement compliquer la seconde partie du mandat de son ancien mentor.
Autre enseignement de ce déjeuner : le député du 06 a martelé qu'il ne versera pas la subvention départementale promise en 2021 (7,6 millions d'euros !) pour l'extension de la Promenade du Paillon, malgré la signature d'un contrat en ce sens. En janvier dernier, Christian Estrosi avait indiqué dans nos colonnes qu'une telle décision pourrait ouvrir la voie d'un procès. Bien avant le premier tour des municipales 2026, le conflit entre les deux hommes pourrait donc éclater dans un tribunal. Au grand jour et frontalement cette fois, plutôt qu'autour d'un déjeuner à huis clos.
Contactée le 8 juin par Nice-Presse pour commenter les différentes citations rapportées ci-contre, l'équipe d'Eric Ciotti a indiqué, pour la plupart, que le député "ne commente pas des propos tenus dans un cadre privé".