Un formateur de l'EDJ Nice aurait fait l'objet d'un signalement à son administration pour "comportement déplacé". Il est nommé professeur principal dans les semaines qui suivent, puis responsable de l'enquête interne lancée ces derniers jours contre plusieurs de ses collègues.
En pleine crise, l'école privée du journalisme en appelle au rectorat pour gérer la situation. Sa directrice depuis trente ans, Marie Boselli, l'annonce dans Nice-Matin ce mardi 7 juin, affirmant chercher une "neutralité absolue". Ce que le journal ne mentionne pas, c'est que cette décision fait suite à nos révélations concernant l'organisation de l'enquête interne lancée par l'EDJ Nice.
La procédure ouverte le 26 mai dernier pour savoir si certains des encadrants ont réellement dépassé les limites avec des étudiantes a été menée en dehors du cadre habituel, édicté par le ministère du Travail.
La confidentialité du processus n'aurait pas été respectée, tandis que les mis en cause ont fait l'objet de propos insultants ("bâtard", "connard", "prédateur"). "Qu'il crève" a même lancé le responsable de l'enquête à un-e étudiant-e, à propos de l'un de ses collègues qui aurait été au bord du suicide, selon des enregistrements qui nous ont été transmis.
Lundi, l'adjoint à la Jeunesse du maire de Nice, Graig Monetti, appelait dans nos colonnes à "une inspection générale" indépendante de l'école, tout en affirmant que la police "doit être informée et la justice doit passer" si des étudiantes ont effectivement été victimes d'agissements répréhensibles.
Le comportement de l'encadrant chargé de la procédure interne, lancée contre plusieurs des formateurs, aurait déjà créé le malaise chez des élèves.
Allusions sexuelles
Nous sommes en 2017. Celui qui est alors simple professeur employé par l'EDJ parcourt le profil Facebook d'un-e étudiant-e sur au moins cinq ans. Il regarde ses photos, ses vidéos. Puis il se lance, sur Messenger, l'application de messages privés. Quelques approches. Il parle d'actualité, de musique.
Ce que l'étudiant-e en question, 20 ans, interprète comme de la drague se déroule, au départ, dans le respect. Le vouvoiement reste de rigueur. Mais rapidement, le malaise s'installe.
"Il me parlait souvent, alors que je ne lui répondais pas toujours, ou en faisant le strict minimum. C'était quelqu'un de très insistant, qui relance beaucoup" nous raconte-t-on.
2018. Sans rapport avec la discussion professionnelle qu'il tient avec un-e étudiant, toujours sur une messagerie privée, il envoie plusieurs remarques sexuelles dégradantes à propos d'un garçon de la promotion, qu'il associe à une "ordure".
La même année, d'après un échange écrit dont nous avons une copie, il propose de donner des indications sur une future consigne à un-e étudiant-e s'il lui est transmis des informations sur les tensions entre jeunes, mais aussi sur leurs "petits coups et histoires de cul (sic)".
"Désaveu"
Plusieurs jeunes femmes de cette promotion n'osent pas, dans un premier temps, prendre la parole pour dénoncer cette attitude qu'elles jugent "absolument anormale". Elles attendent leurs derniers jours dans l'établissement pour s'en ouvrir à un-e membre de l'administration, captures d'écran à l'appui. "On l'a fait pour les générations futures."
Cet été-là, stupeur. Diplômés, les ex-étudiants apprennent que ce formateur a été promu… professeur principal.
L'école communique depuis une semaine sur ce poste, expliquant qu'il permet aux étudiants d'aller signaler en toute confiance d'éventuelles attitudes problématiques. "On a vraiment pris ça comme un désaveu de notre témoignage" confie à Nice-Presse l'un-e des étudiant-es.
Sentiment partagé par plusieurs autres jeunes de cette promo : "l'EDJ assure qu'elle n'a reçu aucun signalement depuis des années. À supposer que cela soit vrai, comment s'en étonner s'ils ont placé un tel responsable pour éventuellement les recueillir?"
"Ce sont les prédateurs qui plaisent"
Au début de l'enquête interne, le protocole n'est pas respecté. Il lance des questions orientées sur les réseaux sociaux. Il va interroger seul des jeunes femmes, en insultant les personnes sur lesquelles il enquête. Il transmet aux uns et aux autres des éléments du dossier.
S'adressant à un témoin, un-e jeune : "Moi, je suis votre ami. Je ne suis pas vicieux, vous m'aurez toujours". Plus loin : "ce sont les prédateurs qui plaisent".
Toujours à propos de son collègue mis en cause, à une étudiante qu'il a interrogée : "Je n'ai aucune affection, aucune perversion, aucune femme qui m'aime. Lui a son harem…". Les propos mettent immédiatement mal à l'aise l'étudiant-e contacté-e.
Nous révélions dimanche plusieurs témoignages faisant état d'un "comportement inapproprié" d'un tout autre responsable de l'établissement au cours d'une ou plusieurs soirées étudiantes dans lesquelles il se serait rendu.
Au cours de l'une d'elles, à la fin du mois de mars dernier, son attitude perturbe fortement l’un-e des étudiant-es. L’air alcoolisé, "il m’a pris-e dans ses bras, m’a embrassé-e. Il s’est assis derrière moi, m’a attiré-e vers lui pour me faire asseoir sur ses genoux" nous est-il rapporté.
Cet employé a quitté ses fonctions avec une rupture à l'amiable de son contrat, trois semaines avant le début de l'enquête interne, d'après nos informations. L'homme n'a pas répondu à la demande d'interview de Nice-Presse.
Deux formateurs sont actuellement suspendus à titre conservatoire.
Sollicités par nos soins le 7 juin, l'école et son responsable mis en cause par le présent article n'ont pas répondu.