Le maire de Nice, "inquiet", dénonce, en sous-texte, le "sectarisme et les postures d'extrême droite" du député Ciotti. Les deux hommes étaient installés dans une paix fragile depuis un an et demi : elle n'aura pas survécu au lancement de la campagne des régionales.
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Plus de cinq ans après sa croisade anti-Front national aux dernières régionales, Christian Estrosi entend bien continuer d'incarner un barrage étanche face à l'extrême droite. Le maire de Nice aura pris moins de vingt-quatre heures pour condamner les propos polémiques d'Éric Ciotti dans Valeurs actuelles.
Invité du magazine conservateur vendredi 30 avril, le député LR des Alpes-Maritimes a tenu un discours qui n'a rien à envier à ceux de Marine Le Pen : référendum contre l'immigration, "liens" évidents entre immigration et délinquance, tacle contre la "bien-pensance" qui serait bien trop sévère avec le RN… Mais c'est une petite phrase mûrement réfléchie qui a mis le feu aux poudres.
"Ce qui nous différencie (chez les Républicains, NDLR) globalement du Rassemblement national, c’est notre capacité à gouverner" a-t-il ainsi lancé chez Valeurs, déclenchant une avalanche de condamnations politiques.
"Les digues tombent"
Le patron des députés LREM Christophe Castaner et le ministre délégué au Commerce Franck Riester ont rapidement réagi. "Je ne peux pas croire que Les Républicains s'alignent sur le Rassemblement national et sortent du champ républicain", s'est indigné l'ancien ministre de l'Intérieur, interpellant au passage le patron LR Christian Jacob et celui du groupe à l'Assemblée Damien Abad. "Les digues tombent", a renchéri l'ex-ministre de la Culture, se demandant "comment un parti qui s'est baptisé “Les Républicains” peut-il à ce point tourner le dos aux valeurs de la République".
Devant la polémique, le parti a même dû supprimer un tweet qui mettait en exergue la sortie controversée d'Eric Ciotti.
Estrosi "inquiet par l'extrême droite"
La condamnation de Christian Estrosi n'a pas traîné. Invité ce samedi 1er mai de nos confrères d'Europe 1, il a ainsi pointé ceux qui "ne cessent de conduire (sa) famille politique vers des dérives politiques pour camoufler (leur) propre sectarisme en attaquant par des mensonges voire la calomnie. Cela ressemble fortement au type de posture que l’extrême droite utilise depuis des années et cela m’inquiète énormément".
Avant de rappeler, cité par Nice-Matin, ce que le président du conseil régional Renaud Muselier avait déjà reproché à Éric Ciotti plus tôt cette semaine :
"Au soir du premier tour de la présidentielle, il a fait partie de ceux qui n’ont pas fait de choix entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Manifestement c’est un choix qui s’inscrit de manière durable."
Christian Estrosi à propos d'Éric Ciotti
.@ECiotti a dit que je pourrais avoir « la défaite et le déshonneur » aux #Regionales2021.
— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) April 28, 2021
En 2017, je les ai évités en appelant à voter pour @EmmanuelMacron face à @MLP_officiel. Lui pas.
Nous n’avons clairement pas la même idée de la droite, ni de la France.
L'édile niçois a également rappelé les valeurs de la droite, incarnées par l’UMP puis Les Républicains, deux partis fondés par Nicolas Sarkozy "sur un socle gaulliste d’ouverture, de rassemblement et surtout où la règle intangible était aucun rapprochement ni de pensée, ni d’idéologie, ni de gouvernance avec le Front national. Si on continue à aller vers cette voie, les divergences qui se montrent de plus en plus au grand jour vont faire exploser les valeurs sur lesquelles a été fondé 'Les Républicains'".
Des positions à contre-courant
La paix conclue au moment où Éric Ciotti a dû renoncer à se présenter aux municipales niçoises après de très mauvais sondages semble donc enterrée. Mais ce n'est pas la première fois que des divergences de fond apparaissent entre les deux hommes ces derniers mois.
Après l’attentat de Notre-Dame, le « monsieur sécurité » des Républicains avait préconisé de créer un camp de « Guantánamo à la française » pour y enfermer les terroristes.
Une idée vivement condamnée par le maire de Nice Christian Estrosi : « c’est un lieu de torture, où sont bafoués les Droits de l’homme. Alors utiliser les méthodes de Guantánamo que la plupart des démocraties dénoncent, je n’adhère pas. »
Avant d’enfoncer le clou :
"La pire des choses serait que l’on se laisse entraîner dans le populisme. Il faut de la fermeté, mais il ne faut pas faire n’importe quoi. Pas d’emballement, pas de surenchère"
Christian Estrosi sur Éric Ciotti
Une autre prise de position avait créé la stupeur quelques semaines auparavant.
« Il faut que la police puisse tirer. La racaille doit être éradiquée quoi qu’il en coûte ! » lançait Éric Ciotti sur Twitter le 12 octobre dernier, à propos d’une bande de jeunes qui avait attaqué un commissariat dans le Val-de-Marne avec du mortier d’artifice.
« Même chez nous, on ne pouvait pas renchérir. Il y a des limites » confiait un élu RN azuréen à Nice-Presse il y a quelques jours.