Avec Nice-Capitale
En mai 2021, Henry-Jean Servat sort So chic !, un livre où il raconte ses anecdotes les plus folles en compagnie de grandes stars de cinéma, de figures du métier, mais aussi de membres de familles royales. Bardot, Deneuve, Madonna, Johnny ou encore Adjani… L'écrivain a également côtoyé le déjà regretté Jean-Paul Belmondo.
NICE-PRESSE : Bébel nous a quittés lundi. Quel sentiment éprouvez-vous ?
Henry-Jean Servat : « Beaucoup de tristesse. Je l’aimais beaucoup. Nous n’étions pas intimes, mais je le connaissais bien. On est souvent sortis ensemble.
Je l’ai rencontré en 1986, lorsqu’il jouait dans la pièce de théâtre Kean. Elle était montée par Robert Hossein, avec qui j'étais très ami. J’ai pu assister aux répétitions au Marigny, à Paris. À l’époque, je travaillais pour Libération, un quotidien assez méchant mais pointu au niveau culturel.
Quand il est remonté sur les planches du théâtre en 1986, j’étais donc là tout le temps. J’ai copiné avec lui comme ça. Ensuite, on peut dire que je ne l'ai jamais lâché. »
Vous avez donc continué à le fréquenter régulièrement ?
« Je l’ai interviewé pour des films et plein d’autres choses par la suite. Je suis fasciné par les stars de cinéma. Mais si je suis resté autant en contact avec lui, c’est surtout dû au fait que j’étais très proche de Robert Hossein. Ils se voyaient tout le temps.
La dernière fois que que j'ai vu Belmondo, c'était en décembre 2019 à l'Élysée. Emmanuel Macron leur remettait une distinction pour leur carrière. L'un est devenu grand officier de la Légion d'honneur, l'autre grand officier de l'Ordre national du mérite."
Jean-Paul Belmondo venait régulièrement sur la Côte d'Azur…
« Il a tourné dans plusieurs films au cœur de notre région : Mademoiselle Ange, avec Romy Schneider mais également « Flic ou Voyou ». Je me souviens d’ailleurs de cette scène où il était avec Marie Laforêt, en Rolls-Royce blanche sur la Promenade des Anglais.
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Dans Par un beau matin d’été, Belmondo incarnait le rôle d’un plagiste. Le long-métrage s'est aussi fait sur les plages de Nice. Une partie de l'intrigue s'est faite en Espagne, les scènes d'intérieur l'ont été dans les Studio de cinéma de la Victorine (situés dans notre cité, NDLR).
Mais il y en a d'autres, comme Une chance sur deux avec Vanessa Paradis, ou encore Joyeuses Pâques avec Sophie Marceau.
Il venait souvent en vacances par ici.
Je l’ai rencontré une fois dans l’une de ses maisons à Saint-Jean-Cap-Ferrat, pour Télé 7 jours. Sa mère était avait lui, il l'emmenait toujours en vacances. Il était généreux… et très farceur ! Son grand plaisir, quand il recevait des copains, c'était de déménager leur chambre dans le jardin. »


Comment peut-on expliquer que sa disparition suscite tant de chagrin ?
« Il est enraciné dans l’imaginaire populaire et dans l’inconscient collectif : il a fait le plus gros de sa carrière à une époque où il n'y avait qu'une seule chaîne de télévision. À ce moment-là, les cinémas étaient gigantesques, c’était vraiment la 'messe'.»
Un Belmondo aujourd'hui n'aurait donc pas la même carrière ?
« Bien sûr que non. Ni même Brigitte Bardot, ou Alain Delon… Ce qui explique leur carrière à tous, c’est qu’à l’époque ils étaient seuls. Aujourd’hui, il existe 470 chaînes de télévision, ce n’est plus pareil.
Il n’a jamais joué un rôle de méchant. Par exemple, dans Flic ou Voyou il incarnait le commissaire Borowitz. Il a voulu le rendre sympathique.
Dans le livre L’Inspecteur de la mer, il s’agit d’une personne très froide. Mais dans le film, il a réussi à le rendre agréable grâce à son interprétation.
Les Français aimaient l'acteur autant que ses rôles. »
C'est pour cette raison qu'il était tant aimé ?
« Il avait aussi une bonne gueule ! Il n'était peut-être pas beau comme un profil de médaille, mais il avait une tête de mec gouailleur, sympa. C’était un rigolard. Il aimait boire un bon coup, culbuter les femmes, tirer au revolver.
C'était le bon copain des Français. Alain Delon, par exemple, incarnait des rôles beaucoup plus froids. Ce n’était pas le cas de Belmondo. Il n’a jamais joué un étrangleur, un psychopathe, ou un malade.
Dans ses films, il a tué des gens en tant que flic pour se défendre par exemple. Mais ça n’a jamais été un salaud. Il plaisait aux femmes, elles tombaient toutes amoureuses de lui.
C’est un peu tout ça à la fois qui a rendu le personnage de Belmondo si populaire. »
Vous êtes un proche de Brigitte Bardot, l'avez-vous eu au téléphone depuis l'annonce de la mort de Belmondo ?
"Je l'ai eu oui, elle est évidemment effondrée…"
Il était, comme elle, un grand ami des animaux.
"Il a d'ailleurs fait quelque chose de très bien. À Paris, il y a un restaurant, Chez Laurent, l'un des plus chics et des plus chers. Un jour, Belmondo a voulu y dîner. Mais on lui a refusé l'accès parce qu'il avait son chien avec lui. Il alors dit 'puisque c'est comme ça, je ne viendrais plus'. Et il est parti.
Il a adopté pratiquement tous ces chiens à la Fondation Brigitte Bardot. Il ne les quittait pas. L'un des rares combats publics qu'il avait, c'était aussi son opposition à la corrida. Il fallait du cran pour prendre position à ce sujet."
Qui venait le voir jusqu'à la fin ? Michel Drucker et Cyril Hanouna, comme ils l'ont raconté cette semaine ?
« Mais non… Personnellement, je ne pense pas. Mais qui pourrait démentir ? Personne. Belmondo vient d’un univers bourgeois, il n’allait pas fréquenter ces espèces d’abrutis… En revanche, il voyait beaucoup Hossein qui est mort l’année dernière, et Charles Gérard qui est lui aussi décédé. Il côtoyait Richard Anconina, Claude Lelouch, Françoise Fabian… Il était aussi très copain avec Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle.
À la fin de sa vie, il ne voyait plus personne. Il ne voulait plus se montrer. La cérémonie organisée en son honneur à l'Élysée aura été sa dernière apparition publique. »
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