Du 24 septembre au 16 janvier, le Musée de la photographie de Nice accueille l’exposition "Legacy – Une vie de photographe – réalisateur". Celle-ci permet de poser un regard sur l’ensemble du travail de Yann Arthus-Bertrand, célèbre militant de la protection environnementale. Nous l’avons rencontré pour l’occasion.
NICE-PRESSE : Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’exposer à Nice ?
Yann Arthus-Bertrand : Nice est une ville très belle, passionnante, ouverte. Quand on m’a montré le lieu qui accueillerait l’expo, j’ai tout de suite dit "bien sûr". Justement, j'aime ce type d'endroits, ouverts à tous et gratuits.
Le fait que les photos se trouvent dans le Musée de la Photographie mais également dehors (sur la Promenade du Paillon et sur la Place Pierre Gautier, NDLR), c’est formidable. Je trouve que ça marche bien. Je suis vraiment ravi. D’ailleurs, j’aimerais bien faire un peu plus que ça à Nice. On verra par la suite ce qui est possible.

Comment est née votre conscience écologique ?
Ma première compagne m’a vraiment fait confiance. J’avais vingt ans, elle en avait quarante-six. Ensemble, nous avons créé une réserve zoologique. Je me suis pris de passion pour les animaux.
C’était une époque un peu différente. On pouvait ramener une panthère d’Afrique ou un gorille "dans ses valises" et personne ne disait rien. Aujourd’hui, ça semble invraisemblable.
On recevait beaucoup d’animaux comme ça, que l’on nous donnait comme des chimpanzés par exemple. Cette relation avec les animaux sauvages mais domestiqués m’a donné envie d’aller les étudier directement sur place.

À trente ans, je suis parti au Kenya pour réaliser une thèse sur le comportement des lions dans le Maasaï Mar. Je faisais les photos et ma femme écrivait. Tous les jours, on suivait une famille : on observait ce qu’ils mangeaient, les territoires, les interactions avec les autres groupes…
"Aujourd’hui je suis vraiment quelqu’un qui est dans l’action"
Yann Arthus-Bertrand
À côté, pour gagner ma vie j’étais également pilote de montgolfière. J’ai donc découvert la photo aérienne. Je réalisais un travail scientifique, c’était donc très important pour moi d’observer le territoire des lions vu du ciel.
Votre travail incite chacun à préserver l’environnement…
On ne peut pas faire un travail sur la Terre, comme ça, en restant le même. Ce qui est nouveau, c’est que j’ai réalisé que les gens m’intéressent plus que la nature.
Par exemple, dans le film « Human » je parle d’environnement, mais quelque part ce sont les gens qui sont derrière ça.
"Nous sommes tous des lobbys"
Yann Arthus-Bertrand
Au final, ce qui m’intéresse, c’est de les écouter et d’essayer de trouver des solutions plutôt que de me plaindre en permanence. Aujourd’hui je suis vraiment quelqu’un qui est dans l’action.
On revient toujours à la même chose : « c’est la faute des politiques ». Mais au final, c’est notre faute à nous tous. Nous sommes aussi des lobbys. Si on n’achetait pas de pétrole, Total n’existerait pas par exemple.
Mais malheureusement, il y a un besoin pour la croissance. Au final, on dépend de cela. Je pense que tout le monde s’en rend compte. Personne n’a envie de faire du mal ou de dire « je m’en fiche ». Mais nous sommes tous un peu prisonniers de la situation.
"Il y a une espèce d’inertie qui me désole"
Yann Arthus-Bertrand
Parlez-nous de votre nouveau film, Legacy, qui est diffusé dans cette exposition.
Après Home (sorti en 2009, NDLR), Legacy essaie d’avoir le courage de la vérité. De dire vraiment les choses comme « les COP (conférences internationales, NDLR) ne servent à rien » « tant que l’on continuera à manger de la viande industrielle, on n’avancera pas »… Il y a une espèce d’inertie qui me désole. On a l’impression que ça fait quinze ans que l’on dit la même chose.
C’est-à-dire ?
Le rapport du GIEC en parle certainement beaucoup mieux que moi. Quand on voit tout ce qui est en train de se passer : les incendies en permanence, les zones de chaleur au Canada…
Je me sens un peu perdu dans cet espèce d’amoncellement de catastrophes. On dilue l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature, NDLR). C’est formidable, les gens en ont beaucoup parlé… Mais au final c’est beaucoup de « blabla ». Je ne vois pas devant moi des bonnes nouvelles.
J’ai l’impression que l’on est dans un système que l’on arrive plus à arrêter. C’est vraiment angoissant.
Quels sont vos prochains projets ?
Je fais un film qui s’appelle « France, histoire d’amour ». Il s’agit de montrer, justement, tout ce qui est bien dans notre pays : le terroir, les lois sociales, les gens qui font des choses intéressantes. Nous allons démarrer le tournage au mois de mars.
D’ailleurs, je vais filmer à Nice. Je demanderai à tout le monde de venir avec les gens qu’ils aiment, pour se faire photographier.