Le 17 mai est la journée mondiale de lutte contre l'homophobie. En France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est encore très touchée par le problème.
Avec 1.200 adhérents et 600 bénévoles actifs, l'association "SOS Homophobie" lutte au quotidien contre les violences LGBTIphobes. Cette année, 1.195 personnes ont déjà contacté leur dispositif d'écoute, pour témoigner d'une discrimination. Soit plus de huit cas chaque jour.
Basée à Cannes, Béatrice Boyer est co-déléguée pour la Région Sud. Interview.
"Des élus refusent encore de célébrer des mariages homosexuels"
La région Sud est-elle une zone plus sensible que d’autres sur la question de l’homophobie ?
Malheureusement, l'homophobie est un phénomène national. Mais, c'est vrai que la région est un terrain encore sensible, plus touché encore. Cela est dû notamment à l'implantation des extrêmes, qui engendre ce type de discrimination. Nous n'avons pas vraiment de chiffres pour étayer ce phénomène, mais nous le ressentons réellement, notamment à travers le climat politique.
Quelles actions chez nous ?
La mission principale de notre association est l'intervention dans les milieux scolaires, et la sensibilisation auprès des enfants, de la 5e au lycée. Dans notre délégation, nous sensibilisons plus de 3.000 élèves par an. Nous réalisons également des réunions de sensibilisation pour adultes, et nous intervenons aussi au niveau institutionnel.
Prochainement, à Nice aura lieu la Marche des Fiertés Pink Parade le 9 juillet. Le 17 juin, dans le Var, avec des vélos floqués SOS Homophobie, et nous attendons encore la date pour Gap. De plus, à partir d'aujourd'hui et jusqu'à dimanche, se tient la première édition du Rainbow festival, à Nice.
"Une agression tous les deux jours"
Selon vous, le mariage pour tous a-t-il fait évoluer les mentalités dans le Sud ?
Oui, je pense. L'homosexualité est plus visible, "démocratisée", plus acceptée dans l'espace public, en partie grâce au mariage pour tous. Cependant, les violences se déportent maintenant vers de nouvelles cibles. On assiste à des montées de transphobie ou intersexophobie, qui sont des causes encore trop méconnues, peu médiatisées.
Et même si le mariage pour tous a fait bouger les mentalités dans la région, on rencontre toujours des élus qui ne veulent pas célébrer de mariage homosexuel, comme à Antibes par exemple (cela a aussi été le cas à Nice, avec Gaël Nofri et Eric Ciotti, notamment, ndlr).
Sur 10 ans, comment évoluent les comportements violents ?
Il y a une augmentation des agressions physiques. À l'échelle nationale on dénombre +28% d'agressions sur un an. Une tous les deux jours.
Pour ce qui est de la région, il est difficile de déterminer les évolutions, on ne sectionne pas le phénomène localement. En revanche, nous avons observé qu'en Provence-Alpes-Côte d'Azur, la majorité des témoignages que nous recevons faisaient état de "gayphobie", ciblée vers les hommes donc.
Les femmes sont moins victimes d'agressions physiques dans la sphère publique, car moins visibles. On dénombre tout de même +14% d'agressions physiques des personnes lesbiennes, à l'échelle nationale.
L'évolution est-elle encourageante ?
Oui et non. Personnellement, je trouve la situation inquiétante.
En fait, la médiatisation de la cause LGBT+ est à double tranchant. D'un côté, lors de nos interventions dans le secteur scolaire, nous constatons que certains enfants sont davantage libérés sur la question. Mais, à l'opposé, la visibilisation entraine aussi plus de violence. De quoi se questionner sur les générations à venir…
C'est-à-dire ?
Ce que j'espère, c'est que le dispositif juridique sera simplifié. Nous travaillons beaucoup sur ce sujet au niveau local, avec les procureurs.
Nous souhaitons que les professionnels du droit soient mieux formés à la question de l'homophobie. Pour l'instant, ils mettent trop souvent de côté le caractère LGBTphobe, qui est, rappelons le, un caractère aggravant.