Nice : l'ouverture d'un centre commercial dans ce quartier dégradé ne fait pas de miracle

Autour de la gare, dans un secteur dit ancien et dégradé, les Niçois antici­paient l'ouverture du Iconic comme un espoir de voir reculer les fortes nuisances que connaît le quartier. Au bout d'une petite poignée de mois, la galère persiste. Et ils perdent patience. 

Les riverains voient les rubans être coupés. Celui, il y a plusieurs mois, du centre commercial. Et ceux, coup sur coup en avril, des enseignes qu'il accueille : un burger tendance, Uniqlo, Starbucks. Un hôtel de luxe, avant la saison. Mais ils appellent surtout les médias à s'intéresser à leur qualité de vie. 

À quelques encablures du fameux diamant, les habitants conti­nuent de tirer la langue. En mai, on évoquait dans ce reportage le quotidien de la rue Pertinax. Les témoi­gnages faisaient état de squats, de regrou­pe­ments bruyants, d'ivresse publique, de deal. Certains disaient craindre pour leur sécurité, d'autres dénon­çaient la "dégrin­golade" d'un quartier. La munici­palité s'était exprimée, évoquant des patrouilles renforcées, et de futurs travaux de rénovation. Le premier adjoint, Anthony Borré, invitait à un échange. 

Une part de cette insécurité et le sort des usagers de stups dépendent aussi de la préfecture des Alpes-​Maritimes, qui n'a plus commu­niqué sur le sujet après août 2023, où une opération de commu­ni­cation avait été montée rue Tiranty.

Depuis les premières ouver­tures dans l'immeuble pensé par Libeskind, dont l'achèvement devait faire renaître ce secteur proche de la gare, les choses n'auraient pas follement progressé. Trop tôt, certes, pour se faire un avis. Mais l'espoir était grand.

"Aucun changement"

À l'appel de riverains, nous nous sommes rendus le long de la rue Pertinax plusieurs jours de la fin août, à des horaires différents.

Pour Léo (un prénom modifié), proprié­taire d'un appar­tement, "il n'y a eu aucune amélio­ration, c'est même pire. On a toujours, à diffé­rentes heures de la journée, des problé­ma­tiques avec les livreurs, des personnes alcoo­lisées ou droguées… Certains utilisent des bonbonnes de gaz. On ne sait pas trop ce que c'est, on a dû alerter".

La rue continue également à être "très sale. Il y a pleins de déchets. Des gens mangent puis laissent les sacs, ils vont au bar pour prendre des cannettes et ils les mettent sur les scooters des riverains". Sur place, les détritus sont légion, en tous endroits. Le soir, les bennes ne débordent pas : alors que les agents du Nettoiement sont mobilisés tous les jours, ce sont les incivi­lités que l'on constate surtout. 

Ces fortes nuisances feraient tache d'huile. "On avait placé beaucoup d'espoir dans l'arrivée d'Iconic, mais rien n'a bougé" continue Léo. "Des riverains et des commer­çants des alentours (notamment rue de Paris, NDLR) nous ont d'ailleurs contactés car ils commencent à se plaindre du même phénomène".

Depuis cet été, "le soir, surtout en fin de semaine, on observe en plus des regrou­pe­ments sur le parvis d'Iconic. Ils se roulent des joints ou boivent des bières. C'est surréaliste…"

Karen vit dans le quartier depuis dix-​sept ans. "C'est toujours aussi sale, il y a des mégots et des déchets de partout. Devant mon immeuble, il y a constamment des bouteilles de verre. Quand je balade mon chien, je ne suis pas à l'aise. Certains se bagarrent, il y a des cris pendant la nuit". 

Elle fait partie de ceux qui atten­daient beaucoup du projet immobilier. "Je dirais que c'est pire. Ça a attiré des personnes qui ne venaient pas avant…"

Même bilan pour les commerçants ?

Du côté des sociétés de la rue Pertinax, le constat est le même. Pour le gérant d'une boutique qui a préféré rester anonyme, "c'est toujours la même chose. Il y a tout de même un hôtel Hilton juste à côté…" 

La question de quitter les environs se pose de plus en plus : "j'ai un copain qui l'a d'ailleurs déjà fait, il a fermé son commerce. Cette situation nous fait perdre des clients. À cause de ceux qui détériorent la rue, les gens n'osent plus venir". 

Pour un autre, qui a souhaité rester anonyme aussi, "il n'y a pas de dégra­dation, ni d'amélioration non plus. Juste, concernant les livreurs qui 'foutaient le bordel', je dirais que ça va un peu mieux en journée".

Sans perdre espoir : "les enseignes d'Iconic ne sont pas encore toutes ouvertes. Les choses peuvent évoluer. Je continue d'y croire". Toujours est-​il qu'excédés, une part de ses voisins se concer­taient ces derniers jours pour trouver de nouvelles façons de se faire entendre.