Alors que les personnes valides profitent de leur été dans les rues et sur les plages de la belle azuréenne, les handicapés, eux, sont parfois cantonnés à une toute autre réalité. Une situation dont témoigne Pierre G., représentant de l’association APF France Handicap et personne à mobilité réduite (PMR) pour Nice-Presse.
Vos témoignages - Le rendez-vous est fixé sur une terrasse près de la Gare du Sud. Pierre G. se déplace en fauteuil roulant depuis maintenant plus de quinze ans, à cause d’une maladie neurologique. Il a choisi cet endroit pour une raison précise : c’est « l’un des rares cafés auquel je peux accéder ».
Cet ancien professeur de musique reconverti doit composer au quotidien avec son handicap, mais également avec des contraintes supplémentaires.
Nous nous sommes rendus, en sa compagnie, dans les rues de Nice, pour voir la ville sous un autre angle.
Obstacles invisibles
Point de départ : la place Masséna.
La route est plate et accessible, Pierre se déplace sans difficulté. Après quelques mètres parcourus dans la rue adjacente, on rencontre rapidement un des problèmes quotidiens des PMR : l’inaccessibilité des cabinets médicaux.
« Pour vous permettre de vous rendre compte, dites-vous que j’ai dû faire 31 kinés, 31, avant de trouver celui qui était accessible !».
À Nice, nombreux sont les praticiens à s'être installés dans des immeubles avec une marche à l’entrée, ou sans ascenseur.

La visite continue : nous parcourons les rues de la place de la Préfecture jusqu'au coeur du Vieux-Nice. Pierre désigne les endroits et éléments qui constituent pour lui un obstacle.
Il évoque les bars et restaurants :
« Avec le Covid, beaucoup se scandalisent de ne pas pouvoir aller dans un cinéma, au bar ou à d’autres endroits, alors que pour une PMR vivant à Nice, c’est le quotidien ! On n’a pas de place au restaurant, pas de place au bar »
Pierre G., APF France Handicap
Et d’ajouter : « On n’y pense pas forcément, mais même si la terrasse est accessible, la plupart du temps je ne peux pas utiliser les toilettes ou entrer dans l’établissement ».
« Même quand il n’y a pas de marche à l’entrée, le problème, c’est les toilettes qui ne sont pas prévues pour nous. Les commerçants ne font souvent pas l’effort de se rendre accessibles » estime-t-il.
Pierre n’est pas le seul à observer ces soucis : une citoyenne niçoise partageait le 8 août, dans notre communauté de lecteurs Nous, les Niçois sur Facebook, des photographies montrant l’impossibilité pour une personne en fauteuil roulant d’utiliser les nouvelles poubelles installées le long de la Promenade, car il lui est impossible d’appuyer sur la pédale !
Des problèmes à tous les coins de rue
Plusieurs éléments, invisibles à l’œil des personnes valides, constituent de véritables obstacles : nous passons sur un trottoir penché. Pierre attire notre attention sur le sujet, dans le quartier autour de la place du Pin : « Vous voyez là par exemple, ce trottoir là présente un dévers. Et bien, si mon fauteuil n’était pas motorisé, j’aurais eu beaucoup plus de mal à vous suivre ».
Même constat lorsque nous arrivons au niveau d’un bateau arrondi : « Encore une fois, si je n’étais pas motorisé, je ne pourrais pas monter sur le trottoir. Et rouler sur la route ici, c’est m’exposer à un grand risque ». Même avec son fauteuil motorisé, la manœuvre est ardue : Pierre s’y reprend à deux fois avant de réussir à grimper sur le trottoir.
En remontant la route de Turin, Pierre continue d'expliquer les problèmes qu’il rencontre : « Le pire, pour moi, c’est au niveau du MAMAC (Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de la ville de Nice, NDLR) : c’est un parcours du combattant pour y aller en fauteuil. Pour y aller, il faut passer sur la route : c’est une chance sur deux de se faire écraser ».
Il note la responsabilité de ses concitoyens dans ses difficultés à parcourir la ville : « En plus, les gens font preuve d’incivilité et se garent devant les bateaux ; c’est le cas devant chez moi, en permanence, et rien n’est fait, malgré mes appels à la fourrière. »
Initiatives municipales
Pierre G. salue toutefois un élément positif : « Le tramway est très bien par contre, ici à Nice, autant la ligne 1 que la 2. »
Chaque été, la Ville, dans le cadre de sa politique en faveur des personnes handicapées, aménage des « Handiplages » labellisées, sur le site du Centenaire et sur celui du Carras. Une idée bienvenue, mais éphémère.
L’office de tourisme a également édité un guide complet pour se repérer en tant que personnes à mobilité réduite, avec toutes les adresses nécessaires, les numéros utiles, etc. La municipalité propose aussi tout un site avec des ressources réservées aux PMR : écoles spécialisées, activités dédiées…
Des initiatives qui, selon Pierre G., « sont loin de suffire » :
« Malgré ce qu’on croit, et ce qu’on peut faire croire, les aménagements nécessaires sont tout à fait réalisables. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites… et qui ne le sont pas »
Pierre G., APF France Handicap
« Laissés pour compte »
Trouver un logement est, selon le communicant de l’association APF France Handicap, « une vraie galère ».
« J’ai demandé un logement social, mais je n’ai pas de logement adapté : je n’ai pas pris de vraie douche depuis deux ans. »
Pour adapter l’appartement, il faudrait faire des travaux et « si je veux les faire, je devrais mettre 10.000 euros de ma poche » souligne-t-il. « On est laissés pour compte » : un appartement lui a été proposé récemment, mais « il y avait une marche de quinze centimètres pour accéder au balcon… »
Avec un soupir, Pierre souligne l’impact de l’inaccessibilité sur sa vie sociale : « Typiquement, 99% du temps, je ne peux pas aller chez mes amis prendre le café : leurs appartements ne le permettent pas. »
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