"Continuer à vendre comme avant et régulièrement est presque devenu impossible" estime un dealer niçois que nous appellerons Quentin. En temps normal, il fait ses "livraisons" en voiture dans toute la ville. Mais le confinement a quasiment mis un coup d’arrêt à son activité.
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Un approvisionnement difficile
Pour Quentin ainsi que pour la plupart des revendeurs, se ravitailler devient compliqué. Surtout à Nice qui contrairement à Marseille n'a pas de grand port pour faire passer la marchandise discrètement.
La France est le plus gros consommateur européen de cannabis. Avec la crise sanitaire, ce marché souterrain tourne au ralenti. Une année ordinaire, il pèse pourtant aux alentours de 3.5 milliards d’euros par an, d'après la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).
Les frontières sont fermées (Maroc, Espagne, Italie…), tous les axes par lesquels les stups alimentent les points de vente sont fortement ralentis, voire à l’arrêt complet. "Evidemment au début, le business s’est arrêté. Nous avons été pris de cours et il a fallu trouver différents moyens pour s’approvisionner" explique-t-il.
Si le manque à gagner est certain pour les revendeurs, les consommateurs en subissent eux aussi les conséquences. Acheter en période de confinement est devenu compliqué. Les sorties sont surveillées : faire son jogging ou promener le chien sont devenus les principaux alibis.
Au début du confinement, Alex, étudiant à Nice, a essayé de se faire livrer de la drogue, mais sans succès. "Mon dealer m’a expliqué qu’une de ses livraisons avait été saisie et que tout était parti. J’ai donc ajouté différents dealers sur Snapchat, et un m’a donné rendez-vous en ville."
Dans les premiers jours, les clients ont afflué auprès de leurs revendeurs habituels pour faire des provisions de drogues, comme ceux qui ont dévalisé les paquets de pâtes et de farine dans les Auchan. Quelques semaines après le début du confinement, les rayons des supermarchés ont repris des couleurs. Pas les réserves des dealos. Les trafics détestent accumuler des stocks. Ils doivent s'en mordre les doigts aujourd'hui.
Les prix explosent
Confiné dans son 20 mètres carrés depuis un mois, Alex a vu les prix doubler depuis le début du confinement et la fermeture des frontières.
Même s’il achète désormais "10 grammes pour 100€ alors que d’habitude 10 grammes coûtent 50€", il n’est pas choqué par l’augmentation des prix.
"Ils nous préviennent que les prix augmentent. S’il y a pénurie c’est normal, ils prennent des risques et ils achètent la marchandise plus cher. Ça reste du commerce" argumente-t-il
"Forcément le produit le plus demandé coûte plus cher. Aujourd’hui, si j’achète mon cannabis à un prix plus élevé, je le vendrai plus cher. Nous aussi nous devons faire du bénéfice" argumente notre dealer.
Livrer devient trop dangereux
Ce dernier a l’habitude de livrer ses clients en voiture, "c’est plus simple et plus rapide". Mais ses pratiques ont changé à cause du confinement.
"Sortir, c'est trop dangereux. La police est à l’affût, surtout des jeunes." explique le revendeur.
Au début, Quentin continuait ses activités mais un contrôle inopiné l’a vite fait changer d’avis. "Je livrais de la drogue et ils ont complètement fouillé la voiture en demandant ce qu’on faisait dehors." raconte-t-il.
Désormais, il donne rendez-vous à ses clients à côté de chez lui.
"Si les clients veulent la drogue, ils doivent prendre le risque de se déplacer car ce n’est pas à moi de le prendre"
La semaine dernière, les douaniers des Alpes-Maritimes ont saisi plus d’une tonne de résine de cannabis et d’herbe près de Monaco. Saisie qui enfonce encore plus ce marché qui tente de garder la tête hors de l’eau depuis le début du confinement.