Fouzia Ayoub est la secrétaire générale du groupe de gauche "Un Autre Avenir pour Nice" à la mairie. Elle est originaire du quartier des Liserons.
NICE-PRESSE. L'État et la Ville ont déployé des renforts policiers aux Liserons et promis différents aménagements pour éviter de nouvelles violences urbaines. Comment accueillez-vous ces annonces ?
Fouzia Ayoub : J'y vois des opérations spectaculaires, de nouvelles actions coup de poing, qui ne vont, en réalité, rien changer à la situation sur le terrain. La police, il faut qu'elle soit réellement présente 24/24H, et ça aurait dû être le cas depuis des années. Mais pour avoir la paix sociale on a fermé les yeux pendant des années.
N-P. L'annonce de l'envoi sur place d'une unité de CRS ne vous rassure pas ?
F.A.: Il faut qu'elle soit permanente et qu'elle effectue de vrais contrôles, à toutes heures de la journée, pour casser l'approvisionnement des trafiquants et dissuader les consommateurs. Ça a été trop peu fait ces dernières années.

Mais le répressif ne règlera pas tout. On a envoyé aux Liserons les populations les plus précaires de Nice, on en a fait un ghetto. Une fois là-bas, elles se sont retrouvées enclavées, avec pour seul secours les associations qui font un travail remarquable. Les pouvoirs publics, l'État et Christian Estrosi, ont démissionné depuis longtemps dans les cités.
"Comme lorsqu'il est venu inaugurer un dojo dans le quartier en passant devant les tarifs de la drogue tagués sur les murs : il a détourné le regard."
N-P. Christian Estrosi réclame pourtant depuis des mois du gouvernement l'envoi de CRS, sans être écouté par le ministère de l'Intérieur.
F.A. : Il ne s'est pas vraiment battu. Quand la ville de Nice veut quelque chose, elle l'obtient, elle l'a prouvé en d'autres occasions. Et quand bien même, il n'avait qu'à déployer la police municipale sur place.
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N-P. Le maire a expliqué qu'à moyen terme la solution serait de raser le quartier. Partagez-vous cette analyse ?
F.A.: Quel terrible aveu d'échec ! Ils ont déserté le terrain depuis des années, ils y ont laissé les dealeurs faire leur business, et maintenant, devant la catastrophe, ils veulent tout raser. Il ne faudrait pas seulement déplacer le problème vers d'autres quartiers précaires de Nice.
"Depuis des mois, les mamans du quartier appellent au secours"
C'est une spécialité à Nice : traiter les problèmes de façon superficielle avec de la communication, sans jamais s'attaquer au fond des problématiques sociales. On n'aurait jamais dû en arriver là, tout le monde savait. Depuis des mois, les mamans du quartier appellent au secours. Pour aller de l'avant, il faudra consulter davantage les habitants.
N-P. On a parlé d'affrontements communautaires comme motifs probables des dernières fusillades, entre maghrébins et Tchétchènes.
F.A : Il faut que cela soit clair : les troubles en cours aux Liserons n'ont rien à voir avec des affrontements communautaires. Les communautés ont toujours co-existé aux Liserons. C'est une question d'argent, d'affaires !
C'est le trafic de drogue qui a occasionné ces violences. On a laissé ce quartier aux mains des dealeurs.
La République a abandonné. Cela attire des convoitises et exacerbe les rivalités entre trafiquants.
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Propos recueillis par Clément Avarguès le 16/06/20