La justice monégasque s'est penchée jeudi sur la validité de l'énorme dossier de corruption touchant le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev et d'anciens responsables monégasques, après une décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur la pièce principale.
Saisie par les juges d'instruction en charge du dossier, la chambre du conseil de la cour d'appel monégasque a mis sa décision en délibéré au 27 février.
Ce dossier de près d'une centaine de tomes repose sur l'analyse de milliers de messages exhumés en 2017 du téléphone de Me Tetiana Bersheda, avocate de M. Rybolovlev, que la CEDH à Strasbourg a jugée en juin contraire au respect de la vie privée.
Me Bersheda avait remis son téléphone aux enquêteurs pour prouver qu'elle n'avait pas tronqué un enregistrement déposé dans le cadre d'un conflit judiciaire - clôturé en 2023 - entre le milliardaire russe et le marchand d'art genevois Yves Bouvier suite à la vente d'une impressionnante collection de tableaux.
Une expertise mandatée par le juge d'instruction Edouard Levrault, magistrat français alors détaché à Monaco, avait révélé des échanges avec de hauts responsables monégasques montrant, selon l'accusation, que M. Rybolovlev, propriétaire de l'AS Monaco, avait utilisé son entregent sur le Rocher pour tenter de piéger M. Bouvier.
En 2018, le milliardaire et son avocate ont été inculpés pour corruption active et trafic d'influence, au côté d'anciens ministres ou dirigeants de la police ou de la justice.
Contestée par les personnes mises en cause et par le parquet, la validité de l'expertise du téléphone a été reconnue à tous les échelons monégasques mais pas par la CEDH.
Chargée d'assurer le respect de la Convention sur les droits de l'Homme dans les 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, la CEDH a estimé en particulier que l'expertise demandée par le juge était beaucoup trop large par rapport aux faits dont il était saisi.
Après cette décision, la justice fédérale suisse a classé fin octobre une procédure engagée contre M. Rybolovlev, mais à Monaco, la cour d'appel devra d'abord se pencher sur la question de "l'autorité de la chose jugée", dans la mesure où l'expertise du téléphone avait été validée par la plus haute juridiction de la Principauté.
Si la cour estime pouvoir revenir sur cette décision, les personnes mises en cause et le parquet ont fait valoir jeudi que l'expertise du téléphone devait être annulée, et par conséquent la quasi-totalité du reste de ce dossier tentaculaire.