La Côte d'Azur semble être une belle destination pour l'achat de biens immobiliers via des fonds parfois douteux, comme le constate une fois de plus le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dans l'affaire des "Pandora Papers".
Les villas de luxe sont légion sur la Côte d'Azur. Notre territoire en regorge avec des prix parfois pharaoniques à plusieurs centaines de millions d'euros.
Le scandale financier des "Pandora Papers", révélé dimanche 3 octobre, met en lumière des biens achetés, ou construits, grâce à des fonds pour le moins obscurs.
Pour rappel, cette enquête a été lancée par le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) grâce à l'étude de 12 millions de documents confidentiels issus de sociétés offshores.
Selon nos confrères de Radio France, la Côte d'Azur semble être une destination idéale pour acquérir discrètement des biens (très) luxueux.
Quelles villas concernées ?
Le nom du premier ministre tchèque reviendrait pour l'achat présumé de deux bâtisses sur un terrain de trois hectares à Mougins. Le coût de l'opération serait de 15 millions d'euros.
Toujours à Mougins, la construction d'une grande villa serait également concernée par un financement étrange -- tout comme les travaux qui y ont été effectués.
Un bien d'une valeur de 12 millions d'euros aurait été acheté en 2012 à Grasse par une une société civile monégasque grâce au prêt d'une entreprise domiciliée aux Îles Vierges britanniques.
Une affaire retentissante avait aussi éclaté en 2017. Un oligarque avait été arrêté à l'aéroport de Nice sur des soupçons de blanchiment d'argent. Proche de Vladimir Poutine, l'homme aurait acheté une villa au Cap d'Antibes pour 35 millions d'euros au lieu de 127 millions. La différence aurait été versée sous forme de pots-de-vin, toujours d'après une enquête journalistique.
Quelles conséquences ?
Ces achats effectués grâce à des montages financiers complexes, via plusieurs sociétés offshores domiciliées dans des paradis fiscaux, permettent aux acquéreurs d'échapper aux impôts.
Les sociétés se prêtent à tour de rôle une somme d'argent pour brouiller les pistes sur sa provenance. Une sorte d'"auto-prêt" utilisé lorsque "l'origine des fonds de la société qui prête est douteuse" explique Maurice Feferman, directeur juridique de SwissLife Assets Managers.
Cette fraude a donc pour conséquence de diminuer les recettes de l'État. Tout impôt qui n'est pas payé représente alors des services publics en moins : policiers en moins, écoles et hôpitaux pas financés…
À l'occasion de l'affaire, plutôt similaire, des "Panama Papers", le député (LFI) François Ruffin alertait déjà sur cette évasion fiscale : "Cet argent, on ne l'a pas pour les EHPAD, ou encore pour développer nos transports publics".
Comment stopper ces opérations ?
Le service anti-fraude Tracfin, mis en place depuis 1990, permet de lutter contre ces techniques.
Mais ce dispositif connaîtrait certaines limites, comme l'a expliqué Nicolas Meurot, président de la chambre des notaires des Alpes-Maritimes, à nos confrères : "On a beau demander des documents à l’étranger, des certificats juridiques sur la validité de la société… Dans certains cas, on peut identifier le bénéficiaire, dans d’autres cas c’est extrêmement compliqué, notamment quand il y a une interposition de sociétés".
1.546 signalements à Tracfin, pour un montant total de 2,3 milliards d'euros, ont été formulés par des notaires en 2020.
"Razzia sur la Riviera"

Il y a plus de cinq ans, la journaliste d'investigation Hélène Constanty publiait déjà Razzia sur la Riviera, un livre-enquête sur ces sujets : "Entre Cannes et Menton, sommes-nous vraiment en France ? Sur cette Côte d’Azur à la beauté fatale, les lois de la République peinent à s’appliquer. Après les émirs du Golfe persique, les Russes et les Kazakhs viennent flamber dans les boîtes de nuit et placer leur fortune dans des villas à plusieurs dizaines de millions d’euros. Les mafieux italiens, pourchassés dans la péninsule, ne se contentent plus de chercher refuge sur la Riviera française. Ils s’y sont incrustés et blanchissent les revenus du trafic de drogue."
D'après notre consoeur, "face à ces dérives, l’État semble passif et la justice peu curieuse des malversations financières impliquant des notables. Les requins de la Côte d’Azur ont le champ libre".