L’exposition prolongée à la pollution atmosphérique engendre un fardeau sanitaire et économique considérable, avec des dizaines de milliers de nouveaux cas de maladies chaque année en France, révèle une étude inédite publiée mercredi. AVC, asthme, cancer du poumon, diabète… autant de pathologies dont le développement est lié à la pollution de l’air.
Si l’on savait déjà que 40 000 décès annuels sont attribuables aux particules fines, Santé publique France (SpF) a, cette fois, quantifié l’impact de la pollution sur huit maladies reconnues comme directement influencées par l’exposition aux particules fines et au dioxyde d’azote, en analysant les données de la période 2016-2019, avant la pandémie de Covid.
L’étude s’est penchée sur plusieurs affections respiratoires – cancer du poumon, BPCO, asthme, pneumopathies et autres infections aiguës des voies respiratoires inférieures (hors grippe) – mais aussi sur des maladies cardiovasculaires et métaboliques telles que l’AVC, l’infarctus, l’hypertension et le diabète de type 2.
Selon ces travaux, la pollution de l’air serait responsable de 12 à 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant (soit entre 7 000 et 40 000 cas chaque année). Chez l’adulte, entre 7 et 13 % des nouvelles maladies respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques (4 000 à 78 000 cas annuels) lui seraient imputables.
Certaines catégories de population sont particulièrement vulnérables : les enfants, dont la capacité respiratoire en développement peut être affectée, les personnes âgées, les femmes enceintes, mais aussi les travailleurs et sportifs exposés en extérieur, ainsi que les fumeurs, souligne Sylvia Medina, coordinatrice du programme Air et Santé de Santé publique France.
Diminuer les concentrations de particules fines et de dioxyde d’azote dans l’air ambiant permettrait d’éviter plusieurs dizaines de milliers de cas de maladies, affirment les chercheurs. Si la France respectait les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les cas de maladies liés aux particules fines (PM2,5) seraient réduits des trois quarts, et ceux liés au dioxyde d’azote (NO2) diminueraient de moitié. Par exemple, 30 000 nouveaux cas d’asthme chez les enfants de 0 à 17 ans pourraient être évités.
12,9 milliards d’euros sont attribués aux particules fines
Bien que l’influence de la pollution de l’air sur les naissances prématurées et certaines maladies neurodégénératives comme les troubles autistiques ou Parkinson soit reconnue, les données actuelles ne permettent pas encore d’en estimer l’ampleur, précise SpF. Il en va de même pour les particules ultrafines.
Si les populations défavorisées ont généralement un état de santé plus fragile et un accès aux soins plus difficile, l’étude menée à Rennes, Strasbourg, Lyon et Paris n’a pas mis en évidence une exposition accrue de ces populations aux polluants atmosphériques.
En revanche, le coût économique de la pollution de l’air a été chiffré en partenariat avec l’Aix-Marseille School of Economics. Le bilan est lourd : 12,9 milliards d’euros sont attribués aux particules fines (soit environ 200 euros par an et par habitant) et 3,8 milliards d’euros au dioxyde d’azote (soit 59 euros par an et par habitant). Cette estimation englobe les dépenses de santé (consultations, médicaments, hospitalisations, transports), les pertes économiques (salaires, départs anticipés du marché du travail) et l’impact sur la qualité de vie des patients, explique l’économiste Olivier Chanel.
Une nouvelle directive européenne prévoit de durcir les seuils de pollution d’ici 2030. Selon Guillaume Boulanger, de la direction Santé Environnement Travail de SpF, cette mesure permettrait de réduire de 15 % le poids total des maladies étudiées. Toutefois, la France ambitionne d’atteindre les valeurs recommandées par l’OMS, plus exigeantes.
Pour y parvenir, les politiques publiques doivent poursuivre leurs efforts sur l’ensemble du territoire et sur toutes les sources de pollution, qu’il s’agisse du trafic routier, du chauffage au bois, des activités industrielles ou des émissions agricoles, insistent les experts.
Ces dernières années, la question de la pollution de l’air s’est également imposée dans le champ judiciaire.
En juin 2023, l’État a été condamné pour la première fois à indemniser des victimes de la pollution de l’air : un tribunal a jugé que deux enfants souffrant de bronchiolites et d’otites à répétition avaient été rendus malades en partie en raison du dépassement des seuils de pollution en région parisienne.
(Avec AFP)