Lundi, les députés ont adopté un texte visant à faciliter l’installation de bistrots et cafés proposant des alcools forts dans les communes de moins de 3.500 habitants qui en sont actuellement dépourvues. Cette mesure s’accompagne toutefois d’un renforcement significatif du pouvoir des maires sur le transfert des licences IV.
"Les deux tiers des communes françaises ne disposent plus de commerces. Il va de soi que la majorité d’entre elles n’ont ni bistrot ni café", alerte l’ancien ministre macroniste Guillaume Kasbarian, auteur de la proposition. À la tribune, brandissant une licence IV, il a dénoncé un "cadre législatif ancien et obsolète".
Le texte porté par le député de l’Eure-et-Loir prolonge et entérine une expérimentation menée entre 2019 et 2022. Celle-ci autorisait la création d’une licence IV dans une commune de moins de 3.500 habitants qui n’en possédait pas auparavant.
À l’origine, le dispositif reposait sur une simple déclaration. Toutefois, un amendement socialiste a introduit une condition supplémentaire : l’ouverture de l’établissement devra désormais être approuvée par le maire, qui disposera ainsi d’un droit de veto, un point soutenu aussi bien à gauche qu’au sein du Rassemblement national.
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La dérogation représente néanmoins une avancée notable, car la création de nouvelles licences IV reste en principe interdite. Ces licences, qui permettent de servir des boissons alcoolisées de plus de 18 degrés, sont actuellement soumises à un marché restreint. Lorsqu’un établissement souhaite en acquérir une, il doit généralement obtenir l’autorisation du préfet, puis l’acheter auprès d’un autre établissement du département ou d’un département voisin, souvent après une fermeture.
La ministre du Commerce, Véronique Louwagie, a défendu ce texte en le présentant comme un levier essentiel pour "la revitalisation de nos territoires ruraux" et un moyen de "simplifier la vie des entrepreneurs". La proposition de loi a été adoptée à une écrasante majorité, avec 156 votes en faveur et seulement 2 contre, bénéficiant ainsi du soutien de tous les groupes parlementaires.
Le texte prévoit qu’une commune puisse bénéficier de la mesure une seule fois, pour créer une unique licence IV. Cependant, un amendement MoDem est venu élargir ce dispositif en permettant au conseil municipal d’autoriser un "nouvel établissement" supplémentaire.
L’objectif affiché est de donner aux villes la possibilité d’implanter un débit de boisson aussi bien dans le centre qu’en périphérie. Toutefois, des députés ont souligné la nécessité d’affiner la rédaction de cet amendement, qui pourrait laisser entendre que plusieurs dérogations successives seraient possibles.
Les échanges ont également porté sur les implications en matière de santé publique. La consommation d’alcool, responsable de plus de 40.000 décès prématurés chaque année en France, demeure une préoccupation majeure.
Mais c’est surtout la question du contrôle des licences IV et des pouvoirs des maires qui a nourri les débats les plus vifs.
Plusieurs élus de gauche, ainsi que François Gernigon (Horizons), redoutent que ces nouvelles licences ne finissent, à terme, par être transférées vers des communes plus grandes et plus attractives
"Cette loi aboutira à l’ouverture de nouveaux débits de boisson dans les grandes métropoles", a alerté le député LFI Hadrien Clouet en début de séance.
Face à ces préoccupations, un amendement a été adopté, contre l’avis de Guillaume Kasbarian, pour interdire que les licences créées dans le cadre de cette loi puissent être revendues à une autre commune.
Un autre amendement, porté par Yannick Monnet (groupe communiste), renforce encore cette logique en conditionnant tout transfert de licence IV entre communes à l’aval du maire de la commune de départ.
"Cette mesure concernera aussi bien les licences nouvellement créées que celles détenues par les établissements déjà en activité", a critiqué Guillaume Kasbarian, farouchement opposé à cette disposition. Celle-ci a néanmoins été adoptée grâce à un large soutien, allant de la gauche au Rassemblement national en passant par Les Républicains.
À l’heure actuelle, le droit permet déjà à un maire de s’opposer au transfert d’une licence IV, mais uniquement lorsqu’il s’agit de la dernière encore en activité sur sa commune.
De son côté, Yannick Monnet s’est félicité de cette avancée, jugeant "essentiel que le maire puisse organiser l’activité économique" de sa commune. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat.
(Avec AFP)